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Veckh: Un Secret d'Or

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[« Dans la clarté de la nuit, alors que les étoiles chantaient en silence leurs berceuses mortelles, le Golden Cluster quitta l'orbite de Walalla et disparut dans le vide noir et infini. A son bord, le Capitaine Nix Thorn, comme à son habitude, observait les étoiles. Il avait beau chercher, nulle ne possédait une beauté comparable à sa bien-aimée. Non, pas un diamant dans l'espace n'était à la hauteur de celle qu'il aimait par-dessus tout. Sa princesse adorée, la flamme de sa vie, la rayonnante Sylga.

 

Depuis toujours il rêvait de l'épouser, et avait fait de son destin de lui apporter tous les trésors de la galaxie. A chaque planète qu'il pillait son amas d'or s'étendait, et bien que ses hommes étaient payés raisonnablement, ils trouvaient leur capitaine fou : tout ce qui lui revenait, revenait à Sylga.

 

Ainsi tous les jours il partait comme un pirate et revenait comme un prince, et une fois par an, il vidait sa fortune aux pieds de son amour éternel, sous les yeux désolés de son équipage. Mais Sylga raffolait d'or, et Nix Thorn raffolait de Sylga. Or, le pauvre petit capitaine ignorait que Sylga... était mourante.

 

Un triste jour, Nix revenait d'une chasse de dix longues années, avec dans sa soute un trésor quinze fois plus grand que d'ordinaire, pour enfin demander un union éternel avec sa seule idole. Mais lorsqu'il fut sur place, le pauvre capitaine s'écroula à genoux. Sylga, son amour unique, s'était éteinte.

 

En larmes et détruit au fond de lui-même, pris d'une folie soudaine et brûlante, il dégaina sa vibrolame et exécuta les membres de son équipage fidèle, un à un.

 

La bataille fut brève, et après quelques minutes, plus un bruit ne retentit à bord du Golden Cluster, outre le fracas d'une lame ensanglantée, chutant sur le pont principal. Nix Thorn, désormais seul à jamais, se dirigea vers la soute,  chargea son contenu par-dessus bord, et laissa la cargaison là où Sylga se trouvait auparavant, et où une minuscule nébuleuse avait pris sa place.

Oui, Sylga n'était pas une personne... Sylga était une étoile. »]

 

 

 

 

« Wow... Belle histoire... », s'exclama Andronikos, toujours un peu dans les nuages. « Alors pendant toutes ces années le type balançait son magot dans un soleil ? Pas étonnant que son équipage le prenait pour un fou... »

 

Veckh ferma l'holo-livre qu'elle avait laissé sur la table, et afficha son sourire malin, un sourire qui dans les yeux de son mari criait quelque chose comme : 'J'ai une idée'.

 

« Une chasse au trésor hein ? », devina le pirate. « Ça me plaît... mais t'es sûre que c'est pas qu'une histoire ? »

 

Le sourire de la belle rattataki ne s'effaça pas. Au contraire.

 

« Au début, j'étais sceptique, comme toi. », commença Veckh. « Mais j'ai fait mes recherches et avec les archives privées du Conseil Noir... »

 

« Wow wow wow, une seconde. T'as fouillé dans les archives du Conseil ? T'es même pas encore sûre qu'ils vont te prendre ! »

 

« Ça ne saurait tarder, ils me prendront j'en suis certaine... et puis personne ne m’a vue. », assura la sorcière sans lâcher son sourire. « J'y ai trouvé des cartes astronomiques qui précisent les emplacements d'anciennes étoiles. En calculant les routes possibles du Golden Cluster, partant des diverses planètes suffisamment riches du coin sud-ouest de la galaxie, comptant Walalla, Korbin, Pendari, Garnib et Rutan, j'ai remarqué qu'il y avait un modèle. La traque de Thorn s'est répandue dans toute la galaxie mais avec cet exemple je crois que j'ai trouvé un indice pouvant nous donner un endroit potentiel pour la nébuleuse de Sylga... et la dernière cargaison de Thorn... »

 

Andronikos fixa la carte en papier que sa femme lui étalait sous les yeux. Il se gratta le menton en remarquant l'exactitude des tracés de Veckh. Elle avait peut-être raison. Une légende avec une telle précision, ce n'était très probablement pas un hasard. Les planètes qu'elle venait de citer formaient un cercle parfait autour d'une zone vide. Un épicentre qui semblait être exactement entre les planètes Lwhekk et Skye.

 

« Pourquoi pas... ça fera une belle balade. Juste toi et moi ? »

 

« Rien que toi et moi ! », promis la rattataki, excitée.

 

Elle grimpa sur la table et avança à quatre pattes vers le pirate tel un félin, faisant tomber les verres sur le sol, pour lui voler un baiser.

 

Le couloir de la bibliothèque où ils se trouvaient était bien vide, seuls quelques gardes attendaient aux deux entrées, les autres profitaient de leur temps libre dans la nouvelle forteresse de leur maîtresse.

Veckh venait de dépenser une somme assez phénoménale pour s'acheter ce palais. Et de tous les recoins fabuleux où elle aurait pu le faire construire, elle avait choisi ce trou au milieu de nulle-part, Tatooine. Le lieu de rencontre entre elle et Andronikos. Une planète que ce dernier ne portait pas particulièrement dans son cœur mais dont elle était tombée amoureuse en même temps que de lui... pas autant bien sûr. Elle s'était dite que de construire un petit havre de paix sur une planète disputée dans la grande guerre galactique qui avait lieu n'était pas la plus mauvaise des idées. Échanger la souffrance contre le confort, la solitude contre la famille, la chaleur contre les boissons. Elle avait même ajouté une petite fontaine au milieu de la cour principale, symbolisant la paix et la richesse qu'elle offrait... ou plutôt qu'elle comptait offrir. Pour l'instant il n'y avait qu'eux. Seulement Veckh, Andronikos, l'équipage et quelques gardes fournis par l'Empire. Après la promotion qu'elle devait recevoir bientôt du Conseil, elle espérait l'arrivée d'une bonne vingtaine d'autres.

 

 

 

 

« Jan harfeim im dahndak adi oldahagh, bista ? Waherym jodv maag invicadadevos yhac oati hesteheim ? » (Êtes-vous sûre de vouloir y aller sans nous, maître ? Qui vais-je dévorer dans cet endroit trop calme où vous me laissez ?)

 

Veckh réfléchit quelques instants puis boxa gentiment le torse du gros dashade qui la regardait de haut.

 

« Mais je suis sûre que Xalek fera l'affaire... si tu parviens à l'attraper avant mon retour. », proposa-t-elle en faisant un clin d’œil au kaleesh qui fit les gros yeux en l'entendant.

 

« Hrrrrr... Attu. » (Hmmm... soit.), fit Khem, convaincu. Il est vrai que Xalek était un adversaire à sa taille qui ne refusait jamais un bon combat brutal.

 

« Faites bonne route ! », lança Talos derrière le canapé avant qu'Ashara ne puisse le faire.

 

 

Quelques instants plus tard, le beau Fury personnalisé de Veckh s'éleva au-dessus du hangar et décolla en direction des deux grands jumeaux du ciel, puis plus haut encore, et quitta l'atmosphère. Lorsque les motifs violets arborant ses ailes disparurent à l'horizon, Khem Val lança un regard affamé vers le kaleesh, exactement le même qu'il enverra à un certain zabrak, quelques années plus tard, depuis le même endroit exact...

 

 

 

 

« Bon alors... entre Lwhekk et Skye si j'ai bien compris... Je lance les coordonnées... au Sud-Ouest, Forn-18, puis Nord-Ouest. Ça fait environ... 18 kiloparsecs. Moteurs OK, calculs... OK. On peut passer en vitesse lumière. »

 

« C'est parti ! », fit la rattataki en abaissant le levier.

 

L'espace si noir devint blanc, alors que les étoiles s'étiraient tout autour du cockpit, tels des éclairs cherchant le chemin le plus court vers le sol. Puis suivant le bref recul du saut, la lumière bleutée envahit les pupilles du jeune couple, tournant dans un éternel typhon d'énergie.

 

Il y avait quelque chose de réconfortant dans l'hyperespace. Aucun risque de se crasher dans une planète, un vaisseau ou un astéroïde sur le chemin grâce à la sécurité installée, pas besoin de piloter ou de surveiller devant le cockpit, et cela pendant plusieurs heures. Tant que les calculs étaient bien faits, les occupants de l'intercepteur se laissaient emporter et pouvaient profiter du temps libre qui leur était offert, ou même imposé, seuls, tous les deux.

Tendrement appelé par sa jeune femme, le pirate sourit, quitta son fauteuil d'acier et suivit la sith jusqu'à leur chambre. Un voyage interstellaire est une chose merveilleuse à conter, mais restons-en aux étoiles...

 

 

 

 

L'alarme sonne. Le puissant Fury sort de l'hyperespace dans quelques minutes. Veckh et Andronikos se précipitent à l'avant du vaisseau, tous deux excités à l'idée d'apercevoir, à travers l'épaisse vitre de transparacier, ce qu'ils sont venus chercher. L'homme se pose à moitié dans le fauteuil principal, une main sur les commandes de l'hyperdrive. À ses côtés, la sorcière blanche pianote sur l'accoudoir, impatiente. Toutes les histoires de pirates et de chasse au trésor dont elle se nourrissait étant petite, tous ses rêves de voyages loin de Dathomir, les péripéties que son imagination lui proposait, tout cela se mettait aligné à ce genre de moment. Comme dans une course, pieds derrière la ligne, les récits de son enfance contre l'aventure de sa vie.

 

« Ça y est. J'espère que tes cartes sont assez précises, on va pas tarder à le découvrir... », pense à voix haute le pilote au crâne tatoué.

 

Le cadran rouge s'allume sous leurs yeux doux et emplis d'espoir. Andronikos pousse le levier, et dans le feu, presse une pédale en virant les commandes à droite. Le Fury rugit hors de l'hyperespace et dérape dans le néant pendant quelques mètres, puis s'immobilise et souffle enfin.

Veckh perd légèrement son équilibre et ne peut s'empêcher de chuter dans les bras de l'homme amusé à sa gauche. Lorsqu'elle lève les yeux, il lui sourit, calme comme un grand-père plein de sagesse. Mais elle se relève, et le repousse comme le vaurien qu'il est, alors qu'il sourit maintenant comme un enfant qui sait qu'il a fait une bêtise et en est fier.

 

« Rhaa, je t'ai dit de pas faire ça. Ça bousille les répulseurs ! »

 

« Je sais, je sais... », ricane-t-il.

 

 

Veckh s'approcha de la grande vitre. À l'autre bout, rien que du vide. Un vide infini, sombre, et troué par les astres lointains. D'aussi loin que ses pupilles lui permettaient de voir, pas un son, pas un mouvement, rien. Son nez s'est habitué au léger parfum de pomme d'Almak, diffusé dans les conduits d'aération du vaisseau, et il n'y fait ni trop chaud ni trop froid. Aucun de ses cinq sens originels ne semble lui rappeler qu'elle est en vie, pas même le sixième qu'elle nomme parfois encore le Zogën'ra. Lorsque son mari vient se tenir derrière elle, croisant ses bras rassurants sur son ventre nu, son état d'hypnose se brise enfin.

 

« Tu croyais quand même pas qu'on allait tomber dessus du premier coup ? », demanda le pirate de sa voix douce.

 

« Je sais... », avoua Veckh d'un ton presque déçu.

 

« On doit avoir quelques dizaines d'unités astronomiques à couvrir dans le secteur. On a des scans et des balises numériques mais ça devrait prendre quelques temps... »

 

Veckh caressa sa tête contre l'épaule d'Andronikos et libéra son bras pour aller presser un bouton près des commandes. Une douce mais entraînante musique résonna alors dans l'intercepteur, mêlant du vibrano léger au son d'une calme flûte d'Aldérande. Le couple ferma les yeux et resta sur place un instant, se balançant au rythme lent de la gracieuse mélodie.

 

« Allez. Cherchons notre Sylga. », proposa Veckh en se libérant de l'agréable étreinte. « Filons droit pour commencer, puis on tournera en rond un peu de partout. Pose des balises dans l'ordinateur toutes les dix minutes, non... vingt. Laisse tourner le scanner et restons attentifs. »

 

« Oui, mon capitaine ! », plaisanta l'homme en prenant place.

 

 

 

 

Le temps dans l'espace peut paraître un peu différent, assez étrange. Aucun soleil pour s'informer du temps qui passe, à toute allure ou à la vitesse d'un dewback boiteux. Aucune horloge temporelle ne reste logique dans le vide séparant les mondes, car la nuit est omniprésente alors que des millions de soleils scrutent tels des dieux tout ce qui se passe autour. La température reste glaciale alors que l'air est absent et que le vent reste un souvenir. Surtout pour le pilote, l'absence de haut et de bas peut déboussoler l'esprit, et si ce n'était pour les cartes galactiques interactives, le vide sidéral ne serait qu'un labyrinthe interminable, terrifiant et sombre, prêt à vous avaler dans son éternité absolue à la moindre erreur.

 

« Rhaaaah, je m'ennuie !! », râla la rattataki alarmée, à la limite de sombrer à la ramasse sur sa chaise.

 

Six heures de recherche. Cela faisait six heures que le vaisseau était sorti de l'hyperespace, et au moins une demi-heure que pas un mot, pas un son, même pas un geste autre que les va-et-vient de la sorcière n’avaient perturbé le lourd sentiment d'attente inutile à bord. Veckh avait depuis longtemps coupé la musique, qui tendait trop vers une berceuse à force de l'écouter en boucle. Lorsqu'elle s'assit enfin et se retourna vers son mari, celui-ci somnolait profondément, affalé sur son siège, la bouche grande ouverte.

C'était long, c'était ennuyant, très probablement futile et bien moins romantique que ce qu'elle avait imaginé. Veckh n'aimait pas échouer, et lorsque ses idées étaient élaborées puis mises à exécution, peu de choses parvenaient à la faire reculer. Mais en regardant Andronikos, elle comprit qu'elle avait fait une erreur en lui proposant cette expédition. Une traque impossible avec une fin bien décevante. Une autre aventure imaginaire à ajouter à l'étagère de son enfance.

 

Discrètement, elle se leva, déposa un baiser sur le crâne de son pirate endormi, et entra les coordonnées pour un retour à la maison.

 

 

 

 

Alors que le grand véhicule se retourna lentement pour s'aligner à la lointaine Tatooine, Veckh s'assit sur l'accoudoir à côté d'Andronikos. Déçue mais résolue, elle releva la tête pour assister au saut et s'imaginait déjà de retour dans sa forteresse, allongée confortablement avec une boisson chaude, s'endormant dans le sable à la fin d'un double coucher de soleil, son mari à ses côtés.

Les étoiles se décalaient en symbiose vers le bas du coin gauche de la vitre en face, l'hyperdrive ronronnait déjà d'impatience, et Andronikos demeurait assoupi, tel un bébé dans les bras de sa mère.

 

Veckh sursauta soudainement. Devant ses yeux, une masse large, colorée, bien différente aux petites étoiles, se décalait en même temps au-dehors, tentant de filer sous son regard parmi les astres.

 

Sylga...

 

 

La jeune sith bondit sur les commandes et écrasa le bouton d'arrêt. Le Fury se figea sur place.

 

« Andronikos ! Chéri, réveille-toi ! Ça y est ! Ça y est... La voilà... »

 

Son bras se faisant secouer comme lors d'un tremblement de terre, le pirate se réveilla et regarda sa femme avec un air perdu, puis son visage fatigué se tourna vers la vitre. Il perdit son langage.

 

Le nuage de gaz et de poussière s'étendait à peine sur quelques kilomètres, et arborait des formes étranges aux couleurs magenta, rouge et ambrée. Telle une aurore spatiale figée, ses courbes et ses vagues aléatoires posaient pour un véritable spectacle de lumière. En arrière-plan, les étoiles décoraient la toile sombre et, avec un peu d'imagination, l'on aurait pu croire qu'elles tintaient comme de la céramique sortant du four.

 

« C'est magnifique !... », prononcèrent-ils tous deux en même temps, leurs yeux hypnotisés vers l'extérieur.

 

Après quelques instants de silence et d'admiration, Veckh ressentit l’excitation la regagner. Elle plongea vers les manettes.

 

« On fonce ! »

 

 

En à peine quelques minutes, le vaisseau commençait déjà à pénétrer dans le fantôme coloré. La dathomirienne ne put retenir son doux rire dans la joie du moment. Agrippée aux commandes, elle fit danser le Fury à travers le nuage, passant en quelques secondes d'un environnement rouge comme sang à un monde orangé tel le ciel de Tatooine au crépuscule. Ce ne fut qu'après une dizaine de minutes de plaisir fou qu'elle ralentit le véhicule et reprit son sérieux.

 

« Veckh... tu vas pas le croire... J'ai analysé les gaz dans les différentes régions du nuage... La partie ambrée... c'est de l'or. De l'or en gaz... »

 

« La légende disait vrai... », frissonna la rattataki, aussi surprise qu'émerveillée.

 

« Ça doit être les restes du trésor que le vieux Thorn a déposé durant toutes ces années... Malheureusement c'est irrécupérable. Si sa dernière cargaison est ici, c'est notre seule chance de rentrer pleins aux as. »

 

Andronikos quitta la console murale et retourna vers la vitre, intrigué.

 

« C'est bizarre... Comment une étoile a pu finir en nébuleuse aussi petite ? »

 

« Peut-être qu'à force d'être gavée d'or l'étoile a perdu de sa puissance... ? », plaisanta la sith aux commandes.

 

Veckh sourit et ferma les yeux quelques secondes. Un profond sentiment de réussite l'envahissait. C'était ça pour elle, une belle aventure. Une traque à l'impossible dans un lieu infini et inconnu avec comme compagnon son mari, un pirate qui partageait ses passions et avec qui elle ne regrettait rien. Quel bonheur ! Quel...

 

 

BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP...

 

La petite alarme, discrète mais au rythme rapide, l'extirpa de ses pensées. Quelque chose est passé sous le scanner. Là, non loin, caché dans la nébuleuse, juste en face de l'intercepteur se trouve une forme rectangulaire, longue, et métallique.

 

« Ah ha ha ! », hurla de joie Andronikos en pointant du doigt l'objet droit devant.

 

« Le trésor de Nix Thorn... », murmura la rattataki, au bord de son siège.

 

« Bien joué Veckh ! », avoua-t-il en la regardant d'un air si fier.

 

 

En s'approchant, ils remarquèrent que la grosse boite aux formes très simples possédait des réacteurs, quelques canalisations et boîtiers sur la coque, et était plus grand qu'il n'y paressait, soit environ une cinquantaine de mètres de long, sur une quinzaine de large et pas plus de cinq mètres de haut. Les quelques vitres, présentes que d'un côté, ne montraient qu'un intérieur sombre, bien trop sombre pour y voir quoi que ce soit. Lorsque Veckh positionna le Fury vers l'avant de ce qui était en fait un cargo pilotable, presque un véritable vaisseau, elle remarqua la vitre brisée du cockpit et un petit astéroïde logé dans les commandes mortes.

À l'avant, sur le nez de l'engin étrange, étaient gravés les mots :

 

"Pour toi Sylga.

                              -Nix"

 

 

Le bruit crissant que produisit le Fury en heurtant le coté du container spatial fit serrer les dents aux deux aventuriers, mais un seul d'entre eux se souciait plus des motifs sur la carrosserie que de la coque elle-même. Lorsque les deux lourds objets ne firent qu'un, flottants tous deux dans le ventre de la nébuleuse, Veckh n'attendit pas et couru vers le sas en empoignant son sabre laser.

Le sas d'abordage du vaisseau avait également été personnalisé, et permettait, une fois bien collé contre la paroi d'une structure dans l'espace, de s'y colmater. Il ne restait plus qu'à trancher un mur et l'on pouvait circuler entre les deux sans aucun danger. Cependant il fallait bien penser à reboucher et réparer le mur découpé, sans quoi au décollage les occupants restants dans le vaisseau abordé se feraient aspirer vers une mort glaciale. Mais cela avait aussi ses avantages, contre les engins de la République par exemple...

 

 

Un second bruit désagréable résonna dans les couloirs du vaisseau, celui de l'acier se faisant dévorer par la chaleur. La lame rose aux bordures écarlates du sabre laser de Veckh pénétra dans la coque du cargo dès que le sas fut ouvert et prêt. Andronikos arriva mais ne s'approcha pas trop près, laissant faire l'experte. Il n'avait touché qu'une seule fois à cet outil diabolique lorsqu'il était allumé, et préférait en oublier les conséquences. Il ne put cacher un léger sourire en coin en y repensant.

 

Un quart... En coupant le petit mur qui la séparait de son trésor Veckh sentit son petit cœur s'accélérer.

Deux quarts... La lame de plasma faisait fondre l'alliage comme de la cire, et l'arc de cercle grandissant qui en résultait bavait une lave visqueuse.

Trois quarts... Espérant que sa femme n'était pas en train de liquéfier une partie du butin, Andronikos décroisa les bras pour le grand moment.

Quatre quarts... Ça y est !

Veckh rengaina sa lame sans ranger le sabre, et projeta sa main en avant. Le lourd disque fumant vola à travers la salle sombre qui les attendait de l'autre côté.

 

 

Lentement, la belle rattataki posa un pied dans les ténèbres. Elle fit une petite pause, l'instant d'une seconde, et leva le doigt pour faire signe à son mari d'attendre.

 

Quelque chose n'allait pas...

 

Le silence les envahit de nouveau. Un silence mort cette fois-ci. Et l'obscurité, comme un monstre marin tapi au fond du plus profond océan, attendait sa proie.

 

 

 

 

Dégainant son arme en un éclair, Veckh sentit le poids d'une vibrolame et de son guerrier s'abattre sur elle depuis sa gauche. Bloquant le coup au dernier moment, elle leva les yeux vers une multitude de fines dents, surmontées par une paire d'yeux très étranges.

Son sang ne fit qu'un tour, et la sorcière rugit en repoussant la bête vers le fond de la salle, exactement là où sa porte s'était écrasée. Le monstre s'envola, impuissant face à la Force, heurta la ferraille et perdit son arme, du moins c'est ce que les sons violents puis métalliques suggérèrent depuis le noir total.

La sith intrépide avança son deuxième pied, puis s'arrêta à nouveau vers sa gauche. Une autre silhouette, bien plus petite cette fois-ci, l'observait dans le noir. Une silhouette... bien moins emplie de haine que la première, ni même de terreur. Sa petite main était posée contre le mur, au-dessus de sa tête, et en un simple mouvement de doigt, elle pressa un interrupteur.

 

La salle et le cargo entier s'illumina en quelques secondes, alors que des néons s'allumèrent les uns après les autres en clignotant, et que Veckh se couvrit les yeux. Après quelques instants, la rattataki plongea son regard dans la lumière, et ses yeux s'arrondirent.

 

Des rakata... ?

 

 

Devant elle se tenait un groupe, une multitude, une colonie de rakata. Mâles, femelles, enfants, presque tous avaient un regard terrifié. Les guerriers mâles protégeaient leurs femmes en les retenant vers le fond, les bras grands ouverts. Les mères, tenant leurs petits dans leurs bras, semblaient déjà implorer miséricorde. Deux autres rakata aidaient le guerrier vaincu à se relever, et celui-ci avait perdu toute sa fureur. Seule la petite fillette à gauche de Veckh avait l'air calme et intriguée. Quant à la salle, elle était blanche et vide d'objets. Seulement des rakata.

Ressentant toute cette peur inutile, la jeune sith rangea son sabre et leva légèrement les mains en signe de paix, bien que ce n'était pas un mot très apprécié chez les siens.

 

« Chéri, baisse tes armes. », murmura-t-elle à l'homme extrêmement perturbé dans son dos.

 

La minuscule rakata s'avança, demandant d'une voix aiguë quelque chose d'imprononçable et surtout d'incompréhensible.

 

Veckh, gracieuse et calme, se baissa à sa hauteur. La gamine avait la taille d'une enfant humaine de quatre ou cinq ans, mais c'était la plus téméraire.

 

« Je ne comprends pas ce que tu me dis... », tenta d'expliquer la rattataki à voix basse.

 

Dans la foule, une légère agitation se fit entendre, puis un vieux rakata, vêtu d'une longue toge rouge aux fins motifs argentés s'avança vers la nouvelle venue. Il la fixa quelques instants, semblant réfléchir, puis s'inclina en prononçant dans un étrange accent :

 

« Daan'hathaa, grimt'ekeuhl rattataki. Nekkel'edd miktahshaenn g'kaahns' o'un Zogen'ra deah... Morgatih Sen'ghoss, drahak Hek... » (Bienvenue, étrangère rattataki. Nous nous inclinons devant votre puissance et devant la Force sacrée... Je m'appelle Sen'ghoss, je suis le Mystique...)

 

La jeune sorcière grimaça en écoutant son accent de Rattatak, bien plus rude que le rattataki de Dathomir. Cela restait étonnant néanmoins. Le petit vieillard avait sorti un vocabulaire assez important dans une langue étrangère à son propre peuple, rien qu'en remarquant l'espèce de Veckh. Combien d'autres langues connaissait-il ?

 

« Daan'heethaä Hek Sen'ghoss, prän'thah... mën thrabak' Dathomir. Morgätih Veckh, o drahag Andronikos. Thrabedd anväetehn. » (Bonjour Mystique Sen'ghoss, merci... mais je viens de Dathomir. Je m'appelle Veckh, et voici Andronikos. Nous venons en paix.)

 

« Gäethi Basih, kehäna't Veckh ? » (Parlez-vous le Basic, dame Veckh ?), demanda le vieillard avec un accent égalant celui de la sith impressionnée.

 

« Qu'est-ce qu'il raconte ? », murmura Andronikos, toujours un pied dans son propre vaisseau.

 

Le rakata se pencha sur le côté comme un vieil arbre sur le point de s'écrouler, observant le pirate avec intérêt de ses deux petits yeux fatigués qui tombaient mollement sous le poids de la gravité. Il en conclut la réponse à sa question et continua :

 

« Mon peuple ne parle que le rakata, je suis navré. J'ai appris trente langues et un maximum de culture via la boite à holonet qui était à bord. Malheureusement sans connexion, impossible de contacter qui que ce soit avec. Vous êtes venue nous sauver ? »

 

Andronikos avança d'un pas un peu plus sûr et fit reculer la moitié de la foule.

 

« Euh, non en fait on est venu pour le trésor de Nix Thorn... Ça vous dit quelque chose ? », demanda-t-il avec insistance.

 

« Le trésor ? Je me suis renseigné sur la légende en effet... Le capitaine qui envoyait tout son or dans le soleil... Je suis navré, mais c'est nous la dernière cargaison... »

 

«J'vous demande pardon... ? », balbutia le pirate, effrayé à l'idée d'avoir déjà compris.

 

Veckh ferma ses yeux quelques instants, mais retint ses mots.

 

« Jadis nous étions tous des enfants de la Force. Notre puissant Empire Infini se répandait sur toute la galaxie. Et puis vint la peste. L’étrange maladie qui affecta notre peuple en tuant la plupart et en coupant la connexion à la Force de tous les autres. Elle a commencé sur Lehon. La majorité des rakata voulut se cacher sous terre, mais nous décidâmes d’embarquer dans ce cargo volé, et de s’isoler en quarantaine pour ne pas succomber. Après un problème d’hyperdrive un débris spatial a tué le pilote et a condamné le cockpit. Et puis, bien des années après, Thorn est venu… »

 

Sen'ghoss reprit l’attention du pirate qui tournait en rond en se frottant la tête comme s’il voulait se réveiller d’un mauvais rêve. Veckh restait attentive, déjà intriguée, et en oublia la mauvaise nouvelle à propos de l'or.

 

« Il a vu notre détresse, et nous a fait siens. Ses hommes ont chargé notre vaisseau, et quelques temps après nous fûmes jetés dans cet étrange endroit perdu dans l’espace. »

 

Que Veckh fût facile à captiver grâce à la magie d’une histoire racontée n’était pas une surprise. Les images défilaient dans son imagination, et elle comprit enfin la vérité cachée de la légende.

 

« Nous avons attendu si longtemps, nous avons perdu tant des nôtres dans la faim et le froid. Notre survie dans cette prison fut liée à notre capacité à s’adapter et à comprendre la technologie. Nous avons vaincu le froid en nous rapprochant les uns des autres. Nous avons mis un terme au cannibalisme en cultivant dans le vaisseau même, et par la même occasion avons créé une source d'oxygène. Nous défîmes l’ignorance en nous cultivant sur l’holonet… euhm, moi essentiellement. »

 

L’alien fît une pause, repris son faible souffle, et continua :

 

« Êtes-vous venue nous délivrer de notre prison, sith… ? »

 

Veckh regarda le vieillard d’un air sérieux, puis tourna la tête vers la petite rakata. C’était sûrement ce qu’elle lui avait demandé il y a peu…

 

« Une minute, une minute… », interrompra Andronikos. « La peste de rakata c’était il y a plus de 24 000 ans ! Vous êtes en train de dire que vous avez eu je ne sais combien de générations uniquement dans ce cargo ?! C’est ridicule… »

 

« Au début c’était facile, nous n’étions que six, et nous avions cinq capsules cryogéniques. Lorsque Thorn et sa bande sont arrivés, il y a maintenant un peu plus de deux siècles, les cinq étaient congelés depuis des millénaires et le pilote était mort depuis longtemps. Nous fûmes sortis de notre sommeil pour n’être que balancés comme des ordures. Sans les vivres supplémentaires qui nous furent accordées pour le voyage du Golden Cluster nous n’aurions pas survécu… Je faisais partie des cinq. Tous les autres ici sont nos enfants, ou les enfants de nos enfants. Celle-ci, c’est la petite Ilma’ti. », fit-il en regardant la fillette. « Ces deux siècles passèrent lentement après le passage de Thorn. Nous perdîmes toutes nos capsules sauf une, et décidâmes de tous continuer nos vies dans le présent, et non dans le futur. La seule qui reste est occupée par un blessé grave, notre jeune docteur, ironiquement. Il a voulu réparer les capsules et s’est pris une explosion qui lui a ravagé le visage. Le pauvre est aveugle et très faible… »

 

En se décalant, le rakata pointa du doigt une capsule au fond du vaisseau, seule à l’écart.

Andronikos, toujours perturbé par la tournure des événements, cessa de faire les cent pas et se frotta le visage, puis alla se caler contre le mur, à côté du trou circulaire. Sa femme ne bougea pas. Elle regarda avec attention le peuple rakata à genoux, et ne semblait pas si déçue que ça.

 

« Toutes ces années... enfermés dans une boite... sans lueur d'espoir... », conclut-elle d'une voix faible.

 

« Nous avons construit une légende au fil des années, au sein de notre étrange et unique peuple ici-même. Une légende contant la venue d'un sauveur, loin de toute avidité mais aussi plein de passion que le redoutable Thorn... Un sauveur, guidé par la Force... Je vous redemande... Est-ce pour cela que vous êtes venue jusqu'ici ? »

 

Veckh leva le menton, un air si sérieux s'affichant sur son doux visage. L'or de Nix Thorn n'existait plus...

 

« Non. »

 

Le peuple rakata, pourtant rakata, comprit de quoi il était question, et alors que quelques visages baissaient les yeux, d'autres devenaient vides et pâles. La petite fillette baissa simplement la tête, et le Mystique resta silencieux, et profondément déçu.

 

« ...Mais c'est ce que je vais faire. »

 

Le silence dans les rangs des naufragés du cargo se brisa en de multiples murmures, tandis que les visages reprirent des couleurs.

 

« Je possède une forteresse, une grande maison sur Tatooine, une planète de sable. Si vous voulez y demeurer ce sera mon grand plaisir de tous vous accueillir. Il y a bien assez de place pour tout le monde. Vous y serez chez vous. »

 

Les bruitages se renforcèrent en arrière-plan, les mères serraient leurs enfants dans leurs bras, et les maris embrassaient leurs femmes. Apparemment le vieux leur avait appris un minimum de Basic après tout... Quelques soldats frappaient amicalement leurs camarades, puis un coin de la foule se sépara pour laisser place à un rakata tenant religieusement quelque chose emballé dans un foulard rouge. Il le donna au vieux Sen'ghoss, qui ouvrit le tissu pour dévoiler son présent à la rattataki radieuse.

 

« Dans ce cas, Maîtresse Veckh... veuillez accepter, en gage de notre loyauté éternelle et irréfutable, ce présent. »

 

Là, dans les mains couvertes par le tissu écarlate du vieux sage, reposait une étrange mais magnifique couronne. De forme simple mais gravée de multiples petits spirales, le diadème en acier quadanium, à l'apparence de fer gris et brute, était monté par un ornement de la même matière, en forme simple de flèche, pointant vers le bas, et recouvert des mêmes motifs.

 

« La couronne de notre armée. Forgée ici même, alors que la légende de notre sauveur se développait. Portez-la, et vous honorerez le Peuple de la Nébuleuse, qui en retour vous servira éternellement. Nos familles deviendront les vôtres, nos soldats se battrons jusqu'à la mort pour vous, et cela jusqu'à la fin des temps. »

 

Veckh posa ses petits doigts blancs sur le diadème, resta en admiration quelques instants dans dire un mot, puis le pris dans ses mains. C'était bien léger.

 

« Merci Sen'ghoss, merci à votre peuple. », dit-elle en s'inclinant. « Nous allons trouver une solution pour vous ramener... Combien êtes-vous ? »

 

« Nous sommes 72, en comptant le Doc dans la capsule. Merci maîtresse. Je vais aller expliquer les détails à mon peuple. »

 

Le vieil alien se retourna et marcha lentement vers les siens, qui l'accueillirent presque en héros. Lorsque Veckh se retourna vers Andronikos, celui-ci faisait une drôle de tête.

 

« On aura pas la place pour tout le monde à bord. Ce sera trop lourd. Je pense qu'avec les câbles en acier dans la soute on peut p'tet les tirer, mais faudra faire super gaffe en sortant de l'hyperespace. Et faut pas oublier de reboucher leur porte. », précisa-t-il.

 

Veckh se colla à lui en posant sa main libre sur sa joue. Lorsqu'il était perturbé ou frustré, il préférait se plonger dans la résolution de problèmes techniques. C'était mignon.

 

« Tu as l'air bien pâle, naär... ça ira ? », demanda-t-elle.

 

Le pirate connaissait depuis longtemps les plans de sa femme pour la forteresse, mais restait déçu pour le trésor. Ils étaient si près...

 

« Ouais, tant pis pour l'or, mais bon, c'est comme ça... Au moins on a gagné une armée, pas mal... »

 

« …Et une famille... », compléta Veckh en se retournant vers les naufragés alors que la petite Ilma’ti se faisait cueillir par l'un des guerriers.

 

La sith embrassa son pirate longuement. Il comprenait tout, et ne se laissait pas corrompre par le pouvoir de l'or et des promesses de richesses. Elle l'aimait plus que tout, et ça ne risquait pas de changer.

En reposant ses talons sur le sol, elle retira ses bras de la nuque d'Andronikos, les leva au-dessus de sa propre tête, et y déposa enfin la couronne.

 

« Moui... ça te va vraiment pas mal... », avoua-t-il.

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2018 Veckh Couronne.jpg
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