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Veckh: Les Murmures

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[Planète Naos : -3 640 BBY / 13 ATC]

 

"Ça a dû commencer il y a… presque 20 ans oui. Au début, on a monté la garde, on s’est dit "C’est des animaux, de nouveaux prédateurs, faut s’défendre". On surveillait bien les enfants, même le jour oui. Mh, on avait pas idée nous qu’on avait tout faux.

 

Ça a commencé avec la vieille Mishma, j’crois bien oui… Comme ça, du jour à l’autre. On l’a pleuré celle-là oui. Pleuré pendant trois jours durant. Puis un an après, c’est la jeune Laddvi qu’est partie. L’était enceinte, la pauvre. Le village a pleuré, encore. Mais quelques années plus tard, c’est devenu de plus en plus fréquent. La famille Djaari, les Verghs, les jumeaux des Hollmends, l’oncle de Liab, les… les Sreghs aussi, sans oublier les Nvaahts. Puis les enfants des Fanreths aussi, les ptits voisins de ma sœur. Toujours dans la nuit, sans prévenir… envolés. Et le lendemain, il manquait des gens à l’appel. On a bien envoyé des hommes, dans la nature, trouver la source. Sont jamais revenus. Et c’était en plein jour, eux, oui.

C’est depuis deux ans que ça augmente, et jamais personne sait pourquoi. Pas un bruit, pas de sang. Juste une personne en moins, de plus en plus souvent, la nuit. L’année dernière, c’était au tour de ma chère Bernisz. Oh…

 

Un jour, il restait plus que six villageois, moi et cinq autres. C’était la fin, on savait bien, oui. Et moi, je suis allé chercher de l’eau au puits. Et sur le chemin, j’ai senti l’odeur.

 

Je me suis avancé seul dans la forêt de bambous, au-delà de la rivière, et plus j’allais, plus c’était infecte. Sorti de la forêt, j’ai vu la montagne noire au milieu de la plaine desséchée. A ses pieds, quelque chose grouillait comme des insectes. J’aurais jamais dû continuer.

Je suis sourd comme un caillou, et c’est p’tet ça qui m’a sauvé. Mais au fur et à mesure que j’approchais, je les ai entendus.

Les murmures.

J’avance encore un peu, je descends la pente, je marche sous le soleil cruel, mes pieds cuisent sur la terre. Mais je continue, je dois, oui, pour savoir. Alors je remonte la bute… quand je les vois enfin.

Ils sont là. Ils sont tous là, comme des insectes fous. Toute une foule d’hommes et de femmes, d’enfants et de vieillards, mes amis… Tous les disparus creusent de leurs mains. Tous creusent le pied de la montagne noire, la montagne géante qui est tombée du ciel. Ils creusent la pierre de leurs doigts en sang. Les plus anciens sont morts, les autres leur grimpent dessus et prennent le relais. Comme des déments, ils sont acharnés… mais aussi décharnés.

Ils sont secs, desséchés oui, vidés de leurs muscles, vidés de leur vie. Aveugles, affamés, des squelettes vêtus d’une peau putride. Leurs doigts dévoilent leurs os, ils n’ont plus d’ongles, et la roche noire est maculée de rouge… et de griffures. Des marques qui s’enfoncent lentement dans la pierre, à force, si !

Mais surtout, je vois la lueur. La terrible lueur verte, qui bourdonne et murmure dans la roche.

Ils le libèrent. Ils y parviendront. Et il ne s’arrêtera pas. Pas tant qu’il ne sera pas libre. Peu importe le nombre de doigts perdus pour y parvenir.

Son heure est venue. Quelque chose d’horrible l’a réveillé… oui.

D’horrible."

 

Le vieil homme s’arrêta de parler et fixa le coin de la petite pièce sombre. Son regard livide démontrait que ses souvenirs le hantaient profondément. Ses bras frêles avaient enfin cessé de trembler, son crâne chauve perlait de sueur, sa main sèche vint gratter sa gorge chétive.

Autour de lui, les quatre soldats impériaux demeuraient comme des statues. Il les regarda, inquiet, et se redressa, serrant de ses deux mains fermes la chaise sur laquelle on l’avait fait s’asseoir.

 

"Mon pauvre monsieur… Croyez bien que je suis navrée pour votre village. Cette chose n’aurait jamais dû s’écraser sur votre planète. », dit une voix face à l’homme, depuis les ténèbres de la salle. "Cependant… vous serez rassuré de savoir que j’ai fait le voyage jusqu’ici pour vous débarrasser de ce fardeau une bonne fois pour toutes. Vous avez ma parole."

 

Le vieillard maigre comme un clou se balançait à nouveau sur sa chaise, le regard vide et distant. Il répétait sans cesse le même mot :

 

"Horrible… horrible…"

 

"Tout ce que vous avez à faire…", dit la sorcière pâle en sortant de l’ombre. "…c’est de me montrer le chemin."

 

 

 

 

[Quelques années plus tard….]

 

‘Que la Force soit avec vous’. Tous les jedi, ainsi que les sith les plus croyants, utilisent cette expression. Mais nul n’y réfléchit réellement. Ils l’emploient, comme simple souhait de réussite, de courage ou de fortune ; parfois même comme un ‘à bientôt’. Mais nul n’ose imaginer que la Force puisse littéralement prendre parti. Et si elle n’était pas avec nous ? Qu’adviendrait-il si notre seule et unique source de pouvoir… avait d’ores et déjà misé sur notre adversaire ?

Lorsqu’un être poursuit un but dans cet univers, l’on peut le comparer à une araignée, tissant sa toile pour descendre d’une branche d’arbre. Son but serait d’atteindre le sol ; la toile qui file depuis son abdomen serait le chemin parcouru. Mais dans cette folle excursion, le Destin est le petit souffle de vent, qui, en toute impartialité, rendra l’aventure de cette araignée bien différente que ce qu’elle aurait jamais pu imaginer.

 

Quand ma sœur troubla la Force alors qu’elle n’avait que cinq ans, elle libéra une onde mystique à travers le flot de la galaxie. Les habitants de la planète entière en sentirent l’écho ce jour-là.

Mais bien plus loin, sur une planète perdue en marge de la bordure extérieure, cette perturbation éveilla quelque chose qui n’aurait jamais dû se réveiller. Quelque chose endormi depuis l’époque du Triumvirat. Un artefact méphitique et malin, doté d’une volonté propre, et dont le seul but est le cataclysme universel.

L’holocron de Dathka Graush, ancien roi des Sith.

 

Des années plus tard, il fut retrouvé par la créature la plus improbable qu’il soit. Une rattataki des plus curieuses, un membre du Conseil Noir en personne, avait mené une expédition archéologique dans le système de Naos. L’holocron était tombé du ciel, dans le cœur d’un astéroïde venu tout droit de la ceinture de Naos… le repère de la forteresse de Graush. Grâce à ses murmures, il était parvenu à s’emparer d’un pauvre village.

Et bien qu’il fût transporté sur Tatooine, bien vite le Destin chargea une farouche échanie de s’emparer de l’artefact pour ce qu’elle croyait être ses propres desseins... Elle pensait sauver la galaxie, lui allait y mettre le feu. Lorsque ses plans échouèrent, et que l’échanie disparut dans la lave de Makeb, l’holocron éveilla à son tour l’impitoyable Malak pour prendre la relève. Mais une fois encore, le vent tourna, et ma sœur et ses alliés vainquirent, selon les lois labiles de la Destinée.

 

Dérouter l’avenir est, parait-il, aussi futile que de diverger ce qui a été. Chassez le naturel, il revient au galop, mais chassez le Destin, et c’est sous le char des Nornes que vous finirez roué par leurs fers.

 

J’appris trop tard que, bien que le corps de l’holocron fût brisé sur Oricon, son cœur n’avait cessé de battre, sa tête chantait toujours. Et cette fois, plutôt que de jouer au serpent dans l’esprit d’une personne, ou que de réveiller un autre monstre du cimetière… il fit les deux à la fois.

Il fut ramassé à nouveau par la jeune sith qui l’avait retrouvé. Les murmures de l’artefact, pleins de mystères et de promesses alléchantes, lui valurent un retour secret sur Tatooine, dans la grande forteresse de la gardienne du savoir ancestral. Et comme avec l’échanie, il manipula la rattataki.

Sous le contrôle de l’holocron, et sans qu’elle ne s’en aperçoive, Veckh missionna une poignée de gardes pour partir avec une navette sur une planète perdue…

Cette planète, c’est Aphris, la dévoreuse de Force.

 

Ainsi, la sorcière de Dathomir éveilla sans le savoir son plus sombre cauchemar. Elle lui offrit une chance de s’échapper de sa prison.

Quelques jours plus tard, lorsqu’elle apprit la mort de ses collègues du Conseil, Veckh s’isola pour hurler sa rage. Elle crut leur promettre une juste vengeance, qui qu’en soit le responsable. C’est le souvenir qu’elle en garda. Mais en réalité, son corps, sous l’emprise de l’holocron de Graush, riait aux éclats.

 

Les ambitions de l’Ogre dépassent les rêves les plus fous de l’holocron. Et cette fois, la destruction de ce maudit artefact n’entravera pas les plans de l’Ogre. Elle ne fera que libérer la pauvre sorcière, qui ne se doute de rien. Et, comme toujours, je ne puis intervenir.

Maintenant qu’il est de retour, je redoute que la Force puisse être avec l’Ogre. En fait, je redoute qu’il ne l’ait enrôlée contre son gré. Car au cours de la bataille sur Hoth, ma chère sœur libéra inconsciemment un pouvoir unique de la Force, dont elle seule détenait la clé. Un pouvoir, elle le comprit vite, contraire à la volonté de la Force : celui d’ôter simultanément le corps et l’âme d’un être vivant… à la fois du monde, et de la Force elle-même. Une terrible anomalie, dont l’Ogre a déjoué les ficèles lorsqu’il a lu en elle sur Norsova.

 

Oui… je redoute que le Destin, contre toute attente, ne décide qu’il soit temps pour cet univers d’en finir. Sa précieuse Force a été violée. Il n’y aura pas de retour en arrière. Pas de pardon.

Et si par miracle l’Ogre, ainsi que les plans de l’holocron de Graush, venaient à échouer, je tremble d’effroi pour ce qui serait à venir. Car la balance du Destin serait à nouveau brisée, et cela… répandrait en ce monde mon plus sombre cauchemar.

 

Xaash, je t’en supplie… prépare-toi.

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