top of page

Veckh: Fille de Dathomir

 

 

Dathomir, bordure extérieure, secteur Quelli.

 

Une nuit, sous la lumière de deux de ses quatre lunes, Dathomir donna la vie.

Entre les sombres montagnes et la forêt morte du premier continent, un rattataki et sa femme échappaient à la nuit rouge grâce à un petit feu de camp. La femme était allongée sur le dos, calme et concentrée, tandis que l’homme était assis en tailleur à ses côtés, sa main posée sur le ventre gonflé de sa compagne. La nuit était silencieuse, pas un rancor, pas un veeka, ni même un serpent ne dérangeait la sérénité de la planète. Les étoiles brillaient, le brouillard pourpre partait, et seul le son du feu de camp et la respiration lente de la rattataki pouvaient être perçus. Il n’y avait jamais de nuits, et encore moins de journées, calmes sur Dathomir. C’était une première, depuis des milliers de lunes.

« Ruu'thak baethar deogh naär. » (Je vois la tête, mon amour.), dit le rattataki calmement, alors qu'il méditait pour sa femme. « Gläedoshnn. » (Continue.) La rattataki commençait à transpirer, mais était aussi calme qu'un lac, un jour sans vent. Elle n'avait jamais donné la vie, mais elle savait comment faire. Après tout, tous ses ancêtres étaient passés par là, et avaient transmis leurs ressentiments, leur méthode, leurs préférences et leur savoir, de générations en générations. En accouchant cette nuit-là, c'était comme si elle l'avait fait un millier de fois auparavant. Elle ne ressentait aucune douleur, aucune peur, aucune faiblesse. Elle posa sa main sur celle de son homme et le regarda avec tendresse.

La nuit fut longue. Ce n'est qu'après cinq heures de totale concentration, qu'une petite fille, pâle comme neige, put se reposer dans les bras de ses parents. La mère baisa le front de la petite chose et leva ses yeux nacrés vers le ciel étoilé. « Daan'hathaä... Veckh... Daan'hathaä. » (Bienvenue... Veckh... Bienvenue.)

 

 

Ainsi, c'est avec ses parents bienveillants que Veckh grandit sur la planète isolée. Ils vivaient seuls depuis deux ans avant sa naissance. A l'origine, six grands clans vivaient voisins sur le premier continent. Mais après la multiplication des incidents, dus notamment aux rencontres avec la faune la plus sauvage, les clans décidèrent de quitter leur terre pour coloniser les autres continents. Deux clans partirent pour le troisième continent, et les quatre autres migrèrent vers le deuxième, mais pas le jeune couple. La mère de Veckh était bien trop attachée à son histoire, à la culture et à tous les souvenirs enfouis sous la roche du premier continent. Le père, plus raisonnable, avait tenté de la raisonner, mais avait fini par comprendre et finit par annoncer l'adieu final à leur clan. Ils héritèrent en cadeau des restes du village. C'était alors devenu un village fantôme, fait presque uniquement de vieilles tentes et d'anciens totems, cachés par la brume, mais l'héritage du clan rattataki y restait accroché.

Les parents de Veckh avaient décidé de prendre ce qu'ils pouvaient du village et de construire une maison, plus grande que celle de l'ancien chef, à juste quelques pas du village fantôme. Ainsi ils garderaient l'héritage, sans être les seuls habitants de ce néant abandonné. Leur maison reposait donc sur quatre arbres, qui comme la plupart des arbres de Dathomir formaient des ponts en sortant du sol pour ensuite y replonger. On disait qu'en poussant, ces arbres avaient pris peur en voyant le paysage glauque de la planète, et enfouissaient leurs têtes dans le sol en tremblant. Les quatre ponts, en bois mort mais solide, formaient les poutres principales de la maison. Le père avait entouré les ponts d’épaisses lianes, à leur mi-hauteur, puis avait créé un plancher au même niveau, en faisant des diagonales avec les lianes, ressemblant au final à une toile d’araignée, et en y déposant de larges feuilles recouvertes des plumes soyeuses. Ainsi leur demeure avait deux étages. Le premier était à même le sol, sur du sable rouge, et le second avait un plancher flexible et servait de chambre commune, accessible via une autre liane verticale, tressée. Les murs étaient faits de peaux de diverses bêtes de la région, la porte n'était qu'un rideau d'algues tressées, et un petit tas de pierres disposées en cerce à côté la maison servait pour faire un feu et pour cuir la viande.

La famille rattataki y vécu bien des années. Tous les matins, ils se réveillaient ensemble, un des parents partait chasser (le plus souvent le père) et l’autre cuisinait, la journée se passait, et le soir, avant de se coucher, Veckh avait droit à une histoire contée par sa mère, parfois accompagnée par le père. Ils pensaient bien que Dathomir n’allait pas être le havre de leur fille très longtemps. Donc ils décidèrent de parler surtout le basic avec elle, pour qu’elle puisse s’adapter à la vaste galaxie qui l’attendait. Il y avait toujours une nouvelle histoire, à chaque soir, sauf pour les histoires trop longues, qui étaient racontées en plusieurs soirées. Beaucoup étaient des aventures improvisées, dont Veckh pouvait choisir la fin, mais la plupart provenaient de légendes ou de faits historiques de Dathomir. Veckh écoutait toujours avec de gros yeux ronds et brillants, couchée sur le hamac de plumes, vêtue d'un pyjama épais, captivée à chaque mot.

« … et ainsi, les derniers Kwa détruisirent les derniers portails magiques, et s’isolèrent du reste de la galaxie en restant sur Dathomir. Mais… manquant de technologie, de culture et d’amis, ils perdirent leur intelligence et changèrent peu à peu d’apparence, pour enfin devenir les Kwi. », conclut la mère.

« Ces mêmes Kwi dont tu te régales en ce moment. », plaisanta le père. La mère le dévisagea d’un simple regard, et il effaça son sourire.

La petite Veckh sourit à son tour en fermant les yeux.

« Demain je veux une histoire de pirates ! », dit-elle.

« Encore ? », plaisanta sa mère. Visiblement, c’étaient ses préférées…

« Demain Veckh, on trouvera l’arbre à encre parfait pour tes tatouages. Qu’en dis-tu ? », proposa le père avec fière allure.

La jeune rattataki se mit en boule sur le doux hamac de plumes. Elle savait que ce jour devait arriver, mais elle avait peur de l’inconnu, peur de l’échec. La cérémonie des tattoos n’était pas une chose simple, ni même plaisante.

« Ne t’en fait pas naär. Tu es encore trop jeune pour ça. Demain nous allons juste trouver l’encre et la préparer. Rappelle-toi qu’elle doit mijoter dans du sang pendant 24 lunes. », dit le père pour la calmer.

« Du sang de Dathomir ! », précisa Veckh, rassurée.

Ses parents étaient fiers d’elle. Ils la regardèrent s’endormir en se serrant dans leurs bras devant elle. Le sang de Dathomir était une sorte de pétrole pourpre qui affluait du sommet de l’une des plus hautes montagnes de la planète. Les ancêtres des six clans disaient que le premier rattataki de Dathomir était né en sortant de cette substance un jour de tempête. Ce n’était qu’une légende, mais elle était à la base de la culture des rattataki de Dathomir.

 

 

A l’âge de sept ans, Veckh dut passer la cérémonie. C’était un jour venteux et ensoleillé. Elle était assise en tailleur sur un tapis de laine brun, vêtue d’une simple peau de bête massive, dos à une grotte creusée dans la Montagne de Sang. Ses parents avaient fait venir un shaman de leur ancien clan. Maître Jaevas, aussi vieux que sage, avait bien mis dix minutes pour s’asseoir devant elle, tellement ses hanches lui faisaient mal. Quand il bascula sa capuche sur son dos, Veckh fit une grimace bien naturelle, mais ne dit rien pour ne pas offenser le débris poussiéreux. Le haut de sa tête, toute la zone au-dessus de ses oreilles, était transparent. C’était comme si quelqu’un avait dévissé son scalpe, enlevé son cerveau, et refermé le crâne avec un bol en verre, orné de tatouages noirs très esthétiques qui descendaient jusqu’à sa mâchoire.

« Ragh thrabatis ak’nuüme deah didneahg brahn’dïmekis ? » (Qui vient en ce lieu sacré pour le rituel des marques de sang ?), dit le rattataki centenaire.

« Veckh, keahä’Dathomir. » (Veckh, fille de Dathomir.), lui répondit la jeune rattataki d’une voix ferme.

Le vieillard leva une main vers elle et l’autre vers le ciel. Puis il se mit à prononcer un charabia que personne ne pût comprendre. Le cœur de Veckh battait fort dans sa poitrine. C’était comme lors d’une représentation théâtrale devant une salle remplie, elle savait son texte, son rôle, mais avait peur de se tromper. Et ce genre de cérémonie n’arrivait qu’une fois dans une vie et devait graver un long héritage ainsi qu’une sorte de destinée sur sa peau, c’était bien plus que de simples tatouages. Veckh regarda ses parents qui n’étaient pas loin et qui la soutenaient du regard. Elle sentit son courage remonter dans son corps. Elle était prête.

Quand elle reporta son regard vers Jaevas, et fût surprise de voir que le dôme de cristal sur sa tête s’illuminait d’une lueur jaune vive, comme si un soleil naissait en lui.

« Ganäh ekk’vähn dratht, n’bishä. » (Revêtit l’encre, mon enfant.), lui murmura le shaman en lui tendant le pot en terre cuite débordant du mélange.

Veckh déposa le pot devant elle et y plongea ses deux mains, puis elle en extirpa le produit devenu plus solide, et badigeonna sa tête entière avec ce qui ressemblait maintenant à une boue rouge. Elle passa ses mains sur le sommet de son crâne, sur ses petites oreilles, laissa couler le surplus sur son cou et sa nuque, puis regarda ses parents, ferma les yeux et recouvrit ses paupières.

Dans ce noir total, elle entendait toujours le vieux rattataki parler dans cette drôle de langue morte. Elle bloqua sa respiration pour ne pas avaler l’encre, et tenta de rester le plus calme possible. Mais soudain, les mots du shaman se firent entendre de plus en plus fort, et elle eût l’impression que la boue pourpre tentait de pénétrer de force dans sa bouche. Alors que la substance séchait sur sa peau pâle, elle commença à avoir des visions. Elle vit sa mère, et son père, debout sur une falaise au-dessus de la forêt de ronces. Puis la scène se transforma en sa chambre, où elle crut entendre une histoire murmurée dans le creux de son oreille. L’instant suivant elle survolait le village fantôme, et quelques secondes plus tard, elle ne vit plus rien, mais perçut le son excitant d’un sabre laser s’activant dans un écho. Le bout de son nez et les bords de ses yeux lui piquèrent, un souffle glacial lui givra la nuque, puis une caresse lui chatouilla la joue. Elle vit du sable à perte de vue, un nuage vert serpentant l'air autour d'elle, puis l’immensité de l'espace. Elle ouvrit les yeux en brisant la croûte sèche qui couvrait ses paupières, puis le shaman se tût soudainement. Le haut de son crâne s’illumina une dernière fois puis s’éteignit.

La boue devint liquide à nouveau, et coula sur le corps de Veckh. Le visage qui se découvrit portait des marques rattataki uniques. Le vieux shaman sourit et remit sa capuche poussiéreuse, tandis que les parents derrière lui tentaient de cacher à quel point ils étaient fiers de leur fille. La mère couvrit sa bouche, et le père mis ses mains sur les épaules de sa femme. Quels beaux motifs leur enfant portait !

Veckh couru dans leur bras et se mit à sourire avec eux. Puis elle se retourna vers Jaevas et le remercia du regard, timidement. Le vieillard sourit à son tour et donna deux petits coups secs sur le haut de son crâne, de son doigt, à travers la capuche. Un son presque métallique résonna. Il devait avoir l’habitude de la réaction étrange des divers enfants. Il échangea quelques mots en rattataki avec les parents de Veckh et s’en alla paisiblement.

Ce soir-là, la petite famille rattataki célébra l'occasion dans la belle maison. Le père avait cuisiné du Kwi bien salé, du veeka grillé avec des plantes sèches, et était même allé chercher du vin à la limite du continent. Le peu de relations qu'ils avaient avec la deuxième terre et leur ancien peuple leur avait permis de contacter Jaevas et à la même occasion de commander une jarre de vin, que seuls quelques rattataki savaient faire. Il faut dire que les vignes de Dathomir se faisaient rares.

Le repas fut succulent, mais le moment passé à table et après dans la chambre familiale était plus important. Ils avaient eu toutes sortes de discutions, comme si les parents venaient d'avoir une nouvelle fille à leurs côtés. Une fille adulte. Pas encore une femme, mais… comme ils auraient dit dans leur langue : une « Äargaliah't » (≈ mûre, prête à être indépendante).

Pourtant, pour ne pas trop changer leurs habitudes, Veckh voulut une histoire avant de s'endormir. Et une belle histoire elle eut. Un conte mêlant pirates, jedi, sith, aliens de toutes sortes, de belles batailles, une petite histoire d'amour, un complot de famille riche, et qui finissait avec un trésor découvert…

« C'était quoi le trésor maman ? », demanda Veckh, encore dans les nuages.

Les deux parents sourirent et la mère décrocha ses quatre boucles d'oreilles triangulaires argentées. Ils étaient ornés de motifs rattataki très simples, et brillaient dans les yeux de Veckh. Après un moment de silence, la mère dit :

« Ils sont pour toi Veckh. »

Dans la culture rattataki, il faut savoir que refuser un cadeau est signe de malchance, de non-respect, voire selon le contexte, d'acte de guerre. Veckh les prit dans ses mains et les inspecta longuement en silence, de tous les angles possibles. Elle les voyait tous les jours depuis sa naissance, et en connaissait les moindres détails, jouant avec eux du doigt lors des câlins avec sa mère.

« Prän'thah mogganhä. » (Merci maman.)

Un long moment de paix silencieuse dura dans la chambre. La lumière des torches au dehors dansait sur les murs, et le vent calme murmurait ses secrets habituels. Veckh se rappela soudainement la vision qu'elle avait eu lors du rite des tatouages. Elle se posait tellement de questions.

« Maman… pendant ma vision, lors de la cérémonie… je vous ai vu, tous les deux, debout sur une falaise, près d'une forêt... »

« Le Pic du Rancor… C'est là que nous nous sommes rencontrés Veckh. Les visions montrent le passé, le moment présent, et parfois l'avenir. Ça, c'était il y a onze ans. Un soir d'éclipse à trois lunes si je me souviens bien... », dit nostalgiquement sa mère en regardant son époux.

« C'est aussi là que quatre ans plus tard, tu es née, naär. Nous avions pensé que ce serait un bon endroit. », ajouta le père en passant un bras derrière sa femme. « Encore une histoire à raconter hein… ? »

Veckh réalisa qu'aucune histoire contée jusque-là ne parlait de ses parents. De leur amour si puissant, de leur passé et de leurs aventures. Contrairement à leurs ancêtres, qui eux avaient eu droit au rôle principal dans bien des histoires. Elle s'enfouit dans les plumes et attendit que la douce voix de ses parents commence.

Quatre ans plus tard, Veckh était toujours une enfant. Même après la cérémonie, la jeune Äargaliah't refusait en un sens, de devenir trop adulte. Elle était mûre, intelligente, agile, indépendante, mais sa vie sur Dathomir était si restreinte, du fait de ne connaître que la vie seule avec ses parents, que rester jeune et vive dans sa tête n'était pas un problème. Plutôt un exploit diraient certains.

Veckh aimait donc jouer à l'âge de onze ans dans les divers recoins autour de sa maison. Elle avait découvert pas mal de territoire en périphérie, mais préférait ce qui se rapprochait de son havre. Elle connaissait la Montagne de Sang, le Ruisseau d'Argent, la Forêt de Ronces et le Pic du Rancor. Elle fréquentait quelque fois les zones au-delà de la plaine aux os noirs, mais restait le plus souvent à quelques minutes de chez elle. De son propre gré, mais en plus de la volonté de ses parents protecteurs.

Mais le lieu qu'elle aimait peut-être le plus, mise à part le foyer bien sûr, était le village fantôme. Elle n'y allait pas si souvent, jamais longtemps sans être accompagnée. C'était l'endroit qui lui était accessible dont elle avait le plus peur. Mais elle aimait la peur. Le frisson de ne pas savoir ce qui se cache derrière chaque vieille tente, entre chaque totem, et dans le manoir du grand chef. Et puis de là, elle pouvait entendre son père, s'il hurlait bien fort, l’appeler pour le dîner. Il lui prenait l'envie d'y vivre des aventures extraordinaires, avec des amis imaginaires, des rivaux féroces et des pouvoirs magiques. Bien sûr, ses amis étaient des arbres décorés, ses rivaux des pierres avec un vilain visage peint dessus… mais ses pouvoirs… Oh eux, ils étaient bien réels.

Ses parents appelaient ça le Zogën'ra. Ce don, cette entité, avait plusieurs noms dans la galaxie. D'autres l'auraient appelé l'Ashla ou le Bogen, mais la plupart l'appelaient tout simplement la Force. Veckh y était très sensible pour son âge, et n'avait pas eu d’entraînement. Elle avait manifesté sa sensibilité à la Force vers 4 ans, en renversant un pichet de sa mère. Les deux parents étaient sensitifs aussi, mais à peine. Elle les dépassait déjà depuis longtemps dans ce domaine, et était donc autodidacte.

 

Un matin, en allant jouer dans le village brumeux éclairé par un lever de soleil rose, elle prit un bâton de bois qu'elle trouva sur le chemin. Elle aimait se lever tôt depuis peu. Elle avait plus de temps pour jouer, et la vue sur le paysage à l'aurore était pharamineuse. Elle sauta sur le sol sec et si poussiéreux sans savoir ce qu'elle allait s'imaginer combattre. Peut-être un loup géant ? Ou un baron de la pègre ?... En tout cas elle le ferait aux côtés de ses alliés de bois, et cette fois, armée d'un "véritable" sabre laser !

« Prends garde, vilaine créature ! Je suis Veckh, de Dathomir, et tu ne feras pas de mal à mes amis ! », criait-elle en faisant tournoyer son bâton dans les airs, violemment.

Elle ne connaissait pas la rage, mais en la voyant on aurait pu croire qu'elle se vidait de quelque chose de lourd. Le son de son arme était comme un chant exotique, variant son volume et sa fréquence de façon aléatoire, comme le sifflement du vent. Quand elle voulut donner le coup de grâce au petit rocher machiavélique, elle fit tourner le bout de bois dans son dos, d'une façon très élégante mais qui manquait d'entraînement, et il lui échappa des mains. Dans le feu de l'action, et ne voulant pas assumer son erreur, elle positionna ses deux mains vers l'avant et foudroya littéralement la roche jusqu'à ce qu'elle se mette à fumer. Lorsqu'elle stoppa, ses mains lui piquaient et ses doigts étaient tout chauds. Elle les observa curieusement et rit de joie. Encore une chose que ses parents ne savaient pas faire. Elle se demandait bien jusqu'où iraient la découverte et la limite de ses pouvoirs...

Elle observa encore le vieux rocher fumant et se retourna pour reprendre son arme... mais elle avait disparue. Elle la chercha de partout, tournant sur elle-même en fixant le sol, puis heurta quelque chose de grand... ou plutôt quelqu'un.

« Hey là, doucement d'moiselle. »

Veckh leva les yeux vers le grand twi'lek qui se tenait devant elle, puis recula d'un bond. Derrière lui se tenaient trois autres hommes, deux devaroniens et un gand, tous armés jusqu'aux dents. Le twi'lek avait la peau bleue, le visage dur et carré, et des dents pointues révélées par un sourire narquois. Ses deux hommes de main devaroniens étaient des jumeaux, hormis le fait que l'un d'entre eux manquait un œil et l'autre avait un anneau entre les narines et manquait une corne. Le gand avait une bouche similaire au bec d'une pieuvre, et une main cybernétique. Le meneur aux lekkus pâles se pencha vers la rattataki et tendit la main.

« C'est à toi j'imagine... ? », demanda-t-il en lui montrant le bout de bois.

Veckh s'en empara comme une sauvage et recula d'encore un pas, sans dire un mot. Mais qui étaient ces étrangers ? D'où venaient-ils ? Et que voulaient-ils ? Veckh ne put se retenir très longtemps.

« ...Qui êtes-vous ? »

Les hommes sourirent et le twi'lek descendît en pliant ses genoux.

« Vauriens... Mercenaires... Pirates... on a bien des noms... mais moi personnellement je préfère le terme... Contrebandier. Moui ça sonne mieux. », dit-il d'une voix rauque.

« Vous n'êtes pas des pirates. », assura Veckh qui savait de quoi elle parlait.

Les hommes se mirent à rire et le twi'lek conclut :

« Si tu le dis. Bon... ne te fait pas mal avec ça ma puce. Nous, on va aller visiter un peu... »

Il se releva et caressa rudement le crâne chauve de la jeune enfant, avant de se remettre en route avec son gang. Veckh les regarda partir. Quels étranges énergumènes... Elle se remit à jouer, et pensa à l'histoire qu'elle allait raconter à ses parents une fois rentrée... sans savoir qu'en réalité, elle n'allait pas pouvoir leur raconter quoi que ce soit, et qu'il serait déjà trop tard.

 

Deux coups de blaster retentirent dans la brume quelques instants plus tard, et le bâton de Veckh retomba sur le sol. Elle frissonna de terreur lorsqu'elle entendit la voix déchirée de sa mère :

« Riidäeh Veckh !!! Riidäeh !!! » (Cours Veckh !!! Cours !!!)

La panique envahi le corps de la petite rattataki. Cette nouvelle sensation infiltra ses veines, crispa ses muscles, fit frémir sa peau et lui murmura à l'oreille « ...fuis... ». Ne sentant plus une présence dans la Force qui l'avait accompagné durant toute sa vie, elle courut se cacher, en larmes, et un dernier coup de blaster retentit dans un écho.

Cachée dans une des nombreuses tentes en toile grise du village fantôme, Veckh, retenant sa respiration, entendit le son du feu dévorant sa maison, vit la lumière orangée projetée sur la toile, et une ombre se dessiner dessus. La silhouette du twi'lek tenait une machette dans sa main, la lame posée sur son épaule. Sa tête regardait de droite à gauche, puis un de ses hommes l'appela de loin.

« Chef... Vous devriez venir voir... La schutta a buté un des jumeaux. »

« Stoopa... J'arrive ! »

L'ombre diabolique disparut de la toile de tente et Veckh put enfin respirer. Elle ne comprenait pas ce que ces monstres avaient dit, mais elle devait bouger. Et elle devait se calmer, ou du moins essayer. Elle mit sa main sur sa poitrine pour sentir son cœur, et au bout d'un moment long et douloureux elle y parvint. Elle réfléchit à un plan : crapahuter hors de sa cachette, échapper aux hommes... et puis quoi ? Courir ? S'enfuir lâchement ? ...Non... C’étaient ses parents que ces créatures sauvages avaient attaqués. C'était chez elle qu'ils étaient venus. C'était Dathomir ! Veckh serra les poings et les dents : sa décision était prise. Elle allait contourner le gang, et sauver ce qui pouvait encore l'être, ou mourir en essayant.

Veckh sortit la tête de la tente, regarda aux alentours et courut vers la tente la plus proche, puis vers la suivante, se rapprochant de la maison qui commençait à résister au feu. Seul le toit de la chambre avait disparu, et les murs étaient roussis, mais les dernières flammes mourraient sur les épais murs de cuir. Elle s’apprêtait à plonger vers une autre tente, mais le gand en sortit, un couteau à la main. Vive comme l'éclair, elle recula et bloqua ses poumons. L'ignoble créature crut entendre quelque chose, et tourna la tête. Il fixa la tente contre laquelle se cachait Veckh... longuement... sans bouger. Le gand était tel un prédateur fixant sa proie à travers les hautes herbes. Ses grands yeux de mouche étaient attentifs au moindre mouvement, son bec ouvert semblait respirer l'odeur de la rattataki, sa main tridactyle jouait avec le couteau.

« Chef ! », appela-t-il soudainement.

Le twi'lek et le devaronien à un œil accoururent, armes à la main. Ce dernier serrait ses dents pointues à se les exploser. Sa respiration était puissante, et un feu intense animait son œil. Le gand leur fit des signes de la main, des mouvements presque militaires, silencieux et vifs, pointant son doigt vers la tente. Veckh ferma les yeux, dos à la toile grise, et leva le menton. Une idée... il lui fallait une idée pour se sortir de là. Elle ouvrit grand les yeux, baissa la tête et fixa le sol rocailleux. Instinctivement, elle se baissa et posa une main sur la pierre chaude en se concentrant. Elle en appela au Zogën'ra... elle en appela à la Force.

A quelques pas de là, vers les premiers arbres de la forêt, derrière le village, une grosse roche orange, de la taille d'une citrouille, décolla lentement du sol. Elle lévitait en tournoyant sur elle-même, s'élevant petit à petit du sable rouge. Arrivée à environs un mètre de hauteur, elle se figea. Veckh ne bougea pas non plus, gardant les yeux fermés, écoutant les hommes de l'enfer s'approcher de plus en plus. Puis, en une fraction de seconde, elle ouvrit les yeux et inspira profondément. La masse rocailleuse se précipita à toute allure à travers le village fantomatique en sifflant, et s'explosa dans un bruit déchirant sur la tempe gauche du devaronien.

Ses dents se brisèrent avant de s'envoler à leur tour, son œil sortit de son crane en bouillie, sa corne implosa et la roche pénétra sous sa peau et dans sa cervelle, se brisant et éclatant à son tour comme une grenade. Le corps sans tête se laissa basculer vers sa droite, s'écroulant au sol sous le regard incompréhensif des deux mercenaires.

« Nom de... »

Le twi'lek et le gand relevèrent leur tête et leurs blasters, et chargèrent vers l'endroit d'où venait la roche massive. Veckh profita de la distraction pour filer vers sa maison.

 

Au milieu d'un brouillard rouge empli de cendres noires, Veckh chercha ses parents. Ses pieds nus glissaient dans le sable chaud, et ses yeux blancs fouillaient les moindres recoins. Puis, à l'arrière de la hutte fumante, elle vit son père, face contre terre, baignant dans une flaque de sang, et sa mère à quelques pas, rampant vers la cabane à l'aide d'un bras. Veckh hurla dans l'horreur et accourut vers elle. Elle aida sa mère à coucher sa tête sur ses genoux, et lui teint la main en sanglotant.

« ...mogganhä... », dit-elle d'une voix faible.

« ...Tout va bien naär...Chhhhht... ça... ça va aller... », murmura sa mère en essayant de la rassurer.

Veckh leva ses petits iris vers le ciel, demandant de l'aide à l'univers d'un simple regard. Elle cherchait comment l'aider en regardant aux alentours, mais sachant au fond d'elle-même qu'il était trop tard. Elle vit son père, froid et endormi, et le devaronien à une corne qui était allongé non loin, un trou fumant dans la poitrine. Sa mère avait eu l'occasion d'agripper son blaster et ne l'avait pas manqué, mais seulement après avoir été mortellement touchée elle-aussi. Jouer la morte dans une telle douleur n'avait pas été facile quand l'ignoble twi'lek avait ensuite rappliqué...

« Veckh naär... tu es une Äargaliah't, tu es forte, vive, intelligente, courageuse... Tu t'en sortiras. Sois brave... »

Le dernier sourire de la mère s'éteignit en même temps que son cœur. Elle ferma les yeux et pencha sa tête vers le ventre de sa fille avant d'expirer son dernier souffle.

 

Veckh déposa les corps de ses parents dans la maison, aidée par la Force. Elle prit la toile de lianes et de plumes qui s'était détachée de la chambre, et fit une couverture pour leur repos éternel. En sortant de la cabane funéraire, ses yeux se posèrent sur le cadavre du devaronien. Le sang de la rattataki ne fit qu'un tour, et elle se lança vers lui comme s'il n'était qu'une vulgaire balle de jeu sur un terrain vide. Son pied s’abattit sur la cage thoracique du cadavre, brisant une côte ou deux, mais la rage ne déteignait pas de Veckh. Elle continua, pleurant de plus en plus, jusqu'à s'effondrer à ses côtés. Elle s'assit en boule et hurla dans le vent.

Et puis... un petit objet métallique refléta la lumière de Domir, soleil de Dathomir, dans ses pupilles. Elle plissa les yeux, et se rapprocha curieusement vers le petit sac en peau de reek qui l'appelait.

Tout le bonheur et les cadeaux du monde n'auraient pas pu raviver la joie dans le cœur de la petite rattataki à cet instant. Mais ce qu'elle vit alors avait le pouvoir de l'aider... à se venger. Et ça, elle en ressentait le besoin.

Un sabre laser.

Saisissant l'arme ancestrale que ces voyous avaient dû dérober, elle se leva et pressa l'activateur. Une lame jaune orangé jaillit de la poignée et alla se plonger dans le crane de l'alien au sol. Veckh toisa l'horizon, raide comme un soldat sith, alors que le rayon de plasma faisait bouillir le sang dans la tête pâteuse de la dépouille.

 

La jeune fille s'enfonça dans la forêt où les deux derniers aliens étaient partis. Ses yeux blancs tournèrent au jaune, et sa course s’accéléra. Elle passa entre les branches mortes, esquiva les ronces qui lui fonçaient dessus, et découpa celles qui osaient se mettre en travers de sa route.

Puis elle prit de la hauteur. La gravité sur Dathomir étant légèrement plus faible que la moyenne galactique, la rattataki sauta sur un pont en racines, puis sur un autre, et un autre. Elle ressemblait à un animal sauvage. Cette fois ils n'allaient plus lui faire de mal... Cette fois, c'était elle le prédateur.

S'élançant dans les airs et galopant sur la terre, la bête entendit enfin une voix familière au loin et accéléra.

« Hey, maya stupa ! Laisse tomber... On la retrouvera pas de t... »

Veckh chargea le twi'lek et planta le sabre laser dans son ventre. Le mercenaire en eut le souffle coupé et recula sans comprendre.

« Chuba... », s'exclama le gand en fuyant et abandonnant lâchement son partenaire sans hésiter.

Le twi'lek rutian beugla sur la mousse grise, s'agrippant aux racines pour tenter de fuir, mais l'on n'échappe pas facilement à la mort sur Dathomir, et encore moins à Veckh. La jeune fille baissa son sabre, et lui découpa avec une lenteur sadique les tendons d’Achille.

La pauvre créature hurla de douleur. Ses cris, par moments, ressemblaient à un mélange de pleurs et de rires. Il ne bougea plus, et se contenta de subir la pire douleur qui lui ai jamais été infligé... jusque-là.

La bête rattataki réfléchit un moment, regardant ce qui lui était utile autour d'elle. Elle donna un coup sec sur une liane qui pendait d'un arbre. La corde végétale se ratatina au sol, et Veckh s'approcha de sa victime, la liane à la main.

« Tu t'en tireras pas comme ça schutta ! Je vais te tuer ! Tu m’entends !? J'vais te massacrer ! Je v... »

Veckh mit de la terre et de la mousse dans la bouche du twi'lek pour qu'il se taise, et bloqua le tout avec une pierre bien calée entre ses dents. Puis elle fit le tour, saisit les bottes qu'il portait, les retira, et fit le tour de ses pieds avec la liane. L'homme gigota, mais ne put se défendre contre la fille, à cause du trou qu'il avait dans l'estomac. Il se fracassa le dos du crane contre le sol de douleur, quand les lianes, serrées au plus fort, pénétrèrent avec force dans la fente où se trouvait ses tendons débités. Elles entrèrent, et serrèrent les chevilles du mercenaire comme un constrictor de Dagobah, frottant la blessure ensanglantée à chaque tour. Le pauvre twi'lek sentait ses yeux s'extraire de leurs orbites tant la douleur était intense.

Veckh lança la liane en l'air, et la fit passer au-dessus d'une branche, puis elle se mit à tirer, et tirer, encore et encore, jusqu'à ce que le bout des lekkus bleus puissent lui caresser le visage.

« Veckh... Retiens mon nom avant de mourir. », lui dit-elle en le fixant dans les yeux.

Le twi'lek mourut quelques heures plus tard, asphyxié par le sang de sa blessure au ventre qui lui coulait dans les narines.

 

Plus qu'un.

Cela faisait trois heures que Veckh cherchait le gand. Il avait tout simplement disparu. Elle avait parcouru la jungle comme un nexu affamé, mais n'avait rien trouvé. Le dernier vaurien avait fui, et la rattataki refusait de croire à l'abandon. Elle fouillerait la jungle encore dix lunes s'il le fallait. Ce lâche n'allait pas s'en tirer.

 

Elle décida de se reposer un instant, restant debout mais immobile, juste le temps de récupérer, de respirer un peu, de penser les yeux fermés... Elle revit sa mère, son père, tous deux lui contant une histoire dans la chambre suspendue. Elle sentit l'odeur de la soupe de son père qui cuisait sur le feu, le parfum de sa mère quand elle venait l'embrasser. Le son des oiseaux qui nichaient parfois au-dessus de leurs têtes. Elle ouvrit ses paupières, et ses yeux jaunes rebasculèrent au blanc. L'ombre en elle semblait s'évaporer un peu pour se répandre sur le sol.

Crac...

Veckh ne bougea pas. Pas d'un poil. Elle ressentit le léger souffle qui lui caressait la colonne vertébrale. L'odeur puissante et amère. Le poids gigantesque qui pressait la terre si fort derrière son dos... L'ombre sur le sol ne venait pas d'elle.

Elle tourna très lentement la tête, et se raidit à la vue de l'énorme rancor de Dathomir qui la fixait. Elle observa ses dents sortant de sa puissante mâchoire, les pics sur ses bras et ses épaules, les petits yeux rouges. De tout petits yeux rouges qui perçaient son âme. Puis le regard de Veckh se tourna vers la patte de la bête. Il tenait dans sa grande main droite le corps sans tête d'un gand. Veckh expira une seconde, et sachant bel et bien que la fuite ne la mènerait pas loin, elle avança vers le monstre, en tendant la main. La bête ne bougea pas, fixant la paume pâle de cette petite créature qui avançait vers elle. La rattataki marcha, lentement, calmement, vers le rancor. Quand enfin elle posa la main entre ses narines, le rancor lâcha le gand et ferma les yeux. Veckh ferma les siens, et reposa sa tête contre le museau de l'animal.

 

« Daan'heethaä... Gmaramogh... Daan'hathaä. Morgätih Veckh » (Bonjour... Partenaire... Bienvenue. Je m'appelle Veckh.)

Veckh enfance 1.jpg
2017) Veckh enfance 2.jpg
2017) Veckh enfance 3.jpg
2017) Veckh enfance 4.jpg
2017) Veckh enfance 5.jpg
bottom of page