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Vayko: Plus Jamais

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Rien ne se compare à la sensation de la chair qui se sépare. Telle de la viande crue déchirée par un rasoir, la peau s'écarte, laissant place à une rivière écarlate s'échouant sur le sol. Le son strident d'un objet tranchant, découpant les muscles en un simple mouvement net du haut vers le bas, la douleur intense, se mélangeant à la panique... la panique d'y être resté, sinon d'avoir perdu un œil... Mais une panique adoucie par l'adrénaline déjà présente. L'obligation de rester en vie, à tout prix.

Voilà ce que ressentait cette pauvre petite bête, alors que la patte griffue d'un vornskr adulte venait de se reposer sur le sol, tachée de sang.

Le cœur de la cathar qui se trouvait en face battait si vite. Ses petites mains tâtonnaient son visage à toute allure pour comprendre l’ampleur des dégâts. Son œil était intact, par miracle, mais cette belle triple balafre allait rester à vie.

De l'autre côté de la cage de combat, le vornskr noir agitait sa longue queue au-dessus de sa tête, et sifflait tel un raptor. Son adversaire connaissait les effets du poison présent au bout de l'appendice caudal velu. Une seule petite friction pouvait la paralyser, voire l'envoyer à la mort directement. Si le chien s'apprêtait à s'en servir, elle devait surpasser son agilité de chat.

A présent le duel était dans le regard... Les petits yeux rouges fixaient les grands yeux jaunes, comme si chacun pouvait y lire la stratégie de l'autre. Sous les cris stupides de la foule à moitié ivre, sous les projecteurs aveuglants et l'ambiance franchement chaotique, alors que les gouttes de son sang chutaient dans une petite flaque, en rythme, tel un métronome, Vayko s'apprêtait à bondir.

 

Une bouteille vide alla s'éclater contre le grillage de l'arène, poussant le molosse à agir. Il détalla, arquant ses longues oreilles pointues en arrière, sa queue toujours élevée, montrant ses canines baveuses à la cathar qu'il chargeait.

L'instant ne dura que quelques secondes, mais chaque mouvement, chaque son, tout passait dans la tête de la tigresse et était analysé, comme si le temps s'était ralenti.

Alors que le chien fou était à moins de deux mètres de sa gorge, le temps repris sa cadence habituelle, et Vayko plissa les yeux, dont les larges pupilles rondes se transformèrent en lames verticales. Alors que le vornskr avait donné sa dernière impulsion pour bondir vers elle, la cathar compressa les muscles de ses quatre pattes, et les détacha du sol à son tour. Son corps s'éleva au-dessus du molosse, tournoyant telle une toupie volante sous les yeux hébétés des spectateurs et l'incompréhension totale du vornskr, volant alors vers le grillage renforcé. Lorsqu'elle arriva au niveau de la queue empoisonnée, Vayko se servit de sa rotation et leva sa main griffue.

Alors que les quatre pattes du tigre retombèrent au sol, et que le chien alla s'écraser dans le coin de la cage, là, entre les deux combattants, une queue velue et ensanglantée s'échoua telle une plume arrachée.

Quelques secondes après, sans avoir eu à hésiter, sans haine ni chagrin, sans aucune pitié ni remord, Vayko était au-dessus du vornskr pleurant, et l'égorgeait de ses propres mains.

Devant elle, les clients du 'Glorious Cage Fight' de Hutta baissaient la tête, et se vidaient les poches pour avoir perdu leur pari. La cloche sonnait, une grille s'ouvrait, et Vayko s'en allait comme un animal sauvage retrouver sa propre cage.

Et le lendemain ça recommençait. Encore et encore, chaque jour, la bête de foire était exploitée pour le plaisir des mercenaires, barons du crime et autres racailles du quartier puant qu'était Hutta. Et les soirs, ses propriétaires la faisaient rentrer dans sa cage rouillée, si petite qu'elle ne pouvait dormir qu'en position assise, en boule... quand elle arrivait à dormir...

Cette boite de fer de moins d'un mètre carré avait été un luxe quand elle était petite. Aujourd'hui, à ses 17 ans, c'était un outil pour contorsionniste.

 

Vayko était le gladiateur d'une bande de vauriens sans cœur depuis qu'ils l'avaient attrapée dans sa jeunesse. Elle avait 9 ans, et venait de perdre de vue ses parents dans une foule, lors d'une émeute soudaine entre les travailleurs de Taris et les impériaux. Le chaos les avait séparés pour un petit instant, mais c'était bien assez pour kidnapper une enfant. La tête dans un sac, elle avait été embarquée dans un cargo et quelques heures plus tard, la voilà sur Hutta la puante, non plus en tant que jeune enfant citoyenne de Taris et de l'Empire, mais en tant qu'esclave tueur, attraction, fauve d'un cirque.

Ding ! La cage s'ouvrait, quelqu'un ou quelque chose mourrait, et elle retournait à la niche, attendre le prochain combat.

La nourriture était infecte, toujours la même, une pattée de viande... probablement de l'uxibête. Le gardien qui la nourrissait était toujours de mauvais poil. Mal payé, toujours à se plaindre quand il croisait quelqu'un, venait seulement nourrir les bêtes. Il ouvrait un caisson, vidait des portions sur le coin des cages et partait, parfois en frappant les barreaux de sa matraque de ferraille attachée à sa ceinture, juste pour exciter les fauves bruyants et embêter les autres.

Ding ! La cage s'ouvre, quelqu'un meurt, elle retourne à la niche, au suivant.

Les cages à ses côtés étaient toutes occupées par des animaux sauvages. Les combattants ''intelligents'' venaient soit d'eux-mêmes, libres mais courageux et stupides, soit étaient esclaves et étaient donc enfermés ensemble dans une prison plus loin. Ceux qui tentaient une évasion étaient toujours attrapés et tués sur le champ. Vayko était donc la seule bête sauvage qui comprenait le basic, et apprenait le hutt. Ses propriétaires ne connaissaient probablement pas bien l'espèce cathar, et il faut dire que la tigresse ne parlait jamais.

Ding ! La cage s'ouvre, quelqu'un meurt, retour à la niche, au suivant.

Après neuf longues années de combat sur Hutta, la cathar dut suivre le groupe pour leur délocalisation vers Nar Shaddaa. La boite clandestine avait connu un succès certain, et le marécage ne payait pas assez. Sur la nouvelle lune, l'arène était similaire, l'équipe était la même, les adversaires étaient différents. La cage de repos avait été embarquée aussi, mais cette fois elle était entreposée loin de toutes les autres, car à peine quelques jours avant le voyage, Vayko avait égorgé un voisin sauvage trop bruyant, dont la cage avait été décalée assez près. Quelques coups de bâton et de l'isolement, voilà le verdict du gardien... Trop facile.

Ding ! La cage, la mort, la niche, au suivant.

 

Cinq ans plus tard... La nuit de sa fuite. La nuit de sa liberté. La nuit de sa vie.

Âgée alors de 23 ans, la désormais fameuse 'Tigresse Nocturne' rentrait dans sa cage après avoir charcuté un gamorréen avec sa propre hache. Un client prétentieux en moins, dix de plus le lendemain. C'était la devise du boss, un homme assez grand, vêtu d'un chapeau brun et d'une cape rouge. Peu importe son nom, c'était juste 'Le Boss', et il avait la meilleur place dans la foule pour ses combats... quand il avait le temps d'en profiter.

La nuit avait été longue. 6 duels le jour et 22 une fois le soleil couché. Plus aucun client ne tenait debout. Les raisonnables étaient rentrés chez eux, les autres ronflaient dans les gradins ou dans la ruelle, serrant leurs bouteilles favorites en main.

Et comme toujours, la bête noire retournait dans sa cage, fatiguée comme tout le monde... comme le gardien.

Elle passa la porte grinçante, se serra en boule, et laissa le gros bonhomme refermer la grille. Mais le clic de la serrure fut bref... légèrement mais suffisamment trop bref. Quand l'homme fit demi-tour et que Vayko comprit l'erreur fatale en voyant la porte mal fermée, le destin du 'Glorious Cage Fight' fut celé.

 

Sous les coups de tonnerre irréguliers et le ciel sombre comme sa fourrure, Vayko ouvrit enfin sa cage, et se redressa sur ses pieds, grande et puissante comme jamais. Un petit sourire affichant des dents blanches et pointues se dessina sous son nez de chat. Ses yeux jaunes luisirent dans l'obscurité et ses griffes, des mains comme des pieds, sortirent lentement. Place au massacre !

 

 

Une dizaine de minutes plus tard... le Boss, le gardien, tous les membres du gang et les témoins se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment, reposaient dans leur propre flaque de sang, la nuque ou la gorge dévorée. Dans la ruelle arrière, dehors sous la pluie se changeant en neige, Vayko faisait face à sa liberté, et tournait le dos à son passé. Elle prit une grande inspiration, et la rejeta en un petit brouillard de vapeur. Même si l'air de Nar Shaddaa n'était pas le plus pur de la galaxie, c'était le meilleur qu'elle avait inhalé depuis son enfance sur Taris. Le goût de fer sur ses lèvres était le même que celui dans l'arène, mais l'odeur de la liberté, c'était ça qui lui faisait sourire...

Son sourire s'effaça un instant. Elle resta immobile dans la fine neige, puis tourna son regard en arrière.

Non... ce n'était pas fini. Tant que ce bâtiment était debout, tant que des gens à l'intérieur y respiraient, tant que ce quartier restait fréquenté, ce ne sera jamais fini... Plus jamais personne ne doit connaître cette vie... Plus jamais !

 

La lionne noctivague retourna vers les cages, libéra les pires bêtes, et leur donna accès au bâtiment. Les derniers cris de la nuit firent place à un silence parfait.

2017) Vayko (Rosario Dawson).jpg
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