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Xaash-tâ: Obscures Augures

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Il n’y a en ce bas monde que peu de choses… que peu de sons, qui ne soient plus glaçants, qui ne vous hérisse plus les poils, en plein cœur de la nuit… dans le creux de votre oreille… que l’épouvantable et vil vol du moustique. Ah, ces saletés. Y en a dans toutes les galaxies, c’est inévitable comme saloperie. Le bruit strident du petit vampire, qui n’augure qu’une nuit de combats futiles, et promet de beaux cernes et un bon gros mug de caf le lendemain... Et pis ça gratte ces conneries !

Mais ça ce n’est rien. Absolument rien. Non, ce n’est rien face au long hurlement sinistre de l’alarme aux éclats rubescents, qui retentit lorsque l’on est attaqués. Cette lugubre lamentation répétitive, qui nous chante, encore et encore à l’oreille, qu’on va tous mourir.

 

 

 

[Lexrul : An 12 ATC / -3641 BBY]

 

L’alarme retentit dans la nuit. Mes camarades se précipitent dans le couloir sombre qui luit de son rouge le plus funèbre. L’ennemi est à nos portes.

Je me jette hors de mon lit, déjà en armure, j’arrache mon fusil du sol et je me lance à leurs côtés. Pas le temps pour mon casque. Je suis mes frères d’armes dans les corridors, dérape dans les virages, prêt à tout pour protéger ce fichu complexe. Direction : la porte principale, vite !

Je connais le chemin, ça fait longtemps que je suis stationné ici. Je m’élance à travers chaque ligne droite de ces étroits couloirs, mon cœur bat la chamade… mais je continue. Je dois donner ma vie pour que l’Empire ne mette pas la main sur ces données. Courage, Eddo ! Tu peux le faire !

Encore quelques virages et je rejoins mes frères, tous stationnés dans le mince couloir noir, devant l’immense porte blindée en turadium. Ils visent tous cet immense cylindre qui nous sépare de l’ascenseur, qui lui mène à la surface… mais quand je vois ce qui les effraie, je sens le rythme de mon cœur qui s’accélère : La porte crépite et crache des étincelles, tandis qu’une lame de plasma rouge coupe un arc de cercle dans le blindage.

C’est un sith…

Je lève mon arme vers la porte comme tous les autres, et j’attends. Une goutte de sueur perle déjà sur ma tempe. Mes yeux fixent le ‘O’ de feu et de métal fondu qui se dessine petit à petit à quelques mètres de moi, déjà conscient que beaucoup vont y rester. C’est presque impossible à tuer ces trucs… Mais soudain, la lame se fige.

D’un coup un énorme morceau du mur à notre gauche se déchire, et vole vers la paroi opposée, écrasant deux de nos soldats dans une telle violence que le bunker entier tremble. Leur corps, une bouillie rouge et écœurante, déborde tout autour du massif bloc de métal.

Et là, mon corps se tétanise.

Une silhouette traverse les flammes et sort du trou. Une longue silhouette fine tenant un autre sabre laser, et revêtant une robe, une bure sombre… et une capuche. Une silhouette sans visage, mais dont les yeux rouges luisants dévoreraient toute âme.

Le sabre laser de la porte traverse le blindage et rejoint son autre main en tournoyant. Elle en a deux… deux sabres laser plus rouges que le sang.

 

Oh non… C’est ELLE…

 

Mes camarades ouvrent le feu, mais elle n’a que faire de leur riposte. Alors que la sith fait un pas hors du trou des enfers, ignorant les flammes, ses armes majestueuses se mettent à danser dans ses mains. Les lames de lumière rubiconde tournoient sur elles-mêmes, se relayant l’une après l’autre ; leur centre reste axé sur les épaules de cette femme, dans une série de cercles parfaits, l’entrainant avec elles dans cette simple valse mortelle. Les coups de blaster rebondissent et partent dans tous les sens, éclairant l’obscurité de leur bleu intense, ponctué par l’écarlate éclat de l’alarme. Je ne peux ouvrir le feu. Je suis pétrifié.
 

Sa ronde cesse lorsqu’elle range un sabre et tend sèchement le bras. Le soldat le plus près de la sith décolle du sol et fonce vers elle comme par magie. Sa gorge rejoint les serres d’acier de la bête, qui se sert à présent de son corps pour bloquer les tirs de mon équipe. Elle le soulève comme s’il ne pesait rien. Lorsqu’enfin son dos ressemble à un gruyère de Matakel, elle plonge ses cinq griffes dans sa chair et arrache sa gorge en serrant le poing. L’horrible créature sans visage balance le cadavre à tête branlante sur le chef d’escouade, puis dégaine à nouveau son deuxième sabre laser.

 

L’un de mes compagnons de chambre me crie dans les oreilles. Il tente de me réveiller de mon état figé. Je réagis à peine. Mes yeux ne peuvent quitter le carnage qui s’étale devant moi. Willbee, un ami, quitte le sol sous mes yeux, entre elle et nous. Il hurle alors que son dos ploie comme un jouet, puis casse dans un fracas. L’arrière de son crane touche à présent son propre coccyx, puis son corps plié en deux retombe sur le sol. Un contorsionniste à l’air ahuri, rangé dans une position macabre que même un droïde ne peut accomplir. La lumière dans ses yeux s’éteint en me fixant. Ce regard vide…

C’est à cet instant que je reviens à moi. Je dois m’en aller. Je dois partir d’ici, et ne jamais revenir. Je veux pas finir comme ça ! Je pousse mes propres confrères pour sortir de ce merdier. Ils continuent de tirer.

 

Quand j’arrive enfin à m’échapper de ce petit attroupement, je croise Mev qui accoure avec un blaster lourd FWMB-2K. Il s’enfonce, prend ma place et tire en rafales. Je ne peux que me retourner et lui souhaiter bonne chance… Quelques coups partent, mais très vite, le blaster acquiert sa propre volonté, et monte dans les airs puis se retourne vers l’escouade. Mev s’accroche toujours à la poignée, il effleure à peine le sol. Mon équipe se fait décimer alors que le monstre aux yeux de rubis avance à pas lents et tranche, à côté d’une véritable tourelle volante qui troue à présent mes amis.

A chacun de ses pas, la sith laisse une empreinte enflammée sur le sol. Le chef d’escouade se relève au mauvais moment et n’a pas le temps de comprendre : son visage passe dans le sillage des sabres qui raclent lentement les murs de chaque côté. En un éclair, les lames ardentes découpent des membres, des visages, des vies. Elle fond sur mes collègues comme un fantôme enragé. Enfin, la tourelle, à laquelle seule la main sanglante de Mev est attachée, tombe à terre et ralentit. Moi, je reprends ma course, épouvanté.

 

Je passe à côté de sept soldats qui se précipitent vers le combat. Je tente bien de les prévenir, mais ils n’écoutent que leur devoir. Je ne m’arrête pas. Quand je regarde en arrière, je peux les voir, tous serrés les uns contre les autres dans ce croisement, en train de tirer dans la même direction, à gauche. Je nous crois presque tirés d’affaire quand soudain, en un quart de seconde et dans un cri des plus horrifiques, la silhouette et sa longue trainée rouge les fauche tous d’un coup et disparait dans l’embranchement. Leurs corps basculent et se détachent en synchronisation parfaite. Ils tombent tous dans un sommeil éternel. D’autres cris retentissent dans un écho glaçant. Je ne peux rien faire pour eux.

Alors je fonce, je me lance au plus vite vers le fond le plus reclus du complexe. Tant pis pour les autres…

 

Les couloirs se vident, la panique les a tous dévorés. Une sith est venue pour nous prendre, c’est la mort personnifiée. Les femmes et les enfants sont évacués. Pour aller où ? On est pris au piège. Et puis qu’est-ce qu’ils font ici de toute façon ? Les soldats s’équipent, et partent combattre… non, gagner du temps plutôt. Le complexe est toujours en alerte générale, les gyrophares rouges continuent de brasser les murs blancs et les sirènes chantent toujours l’hymne de la fin. Ça n’aide personne, ça... C’est juste flippant !

Je pousse ceux qui ne me laissent pas passer. Je sais où je vais, moi. Enfin, j’arrive dans un couloir qui débouche sur un carrefour. Je n’entends plus les cris de panique derrière moi, c’est mauvais signe ! Je charge de plus belle, quand une lueur cuisante m’arrête. Un garde bien mastoc débouche dans le croisement et tire au lance-flammes face à lui. Mais qu’est-ce qu’il fait ?

L’impressionnante explosion qui suit balaye mes cheveux, roussit mes sourcils et me fait couvrir mon visage avec mon bras. Lorsque je regarde à nouveau, le pauvre homme est à terre, immobile, il crame de la tête aux pieds. Son pack dorsal a implosé et a foutu le feu à tout le carrefour. Impossible de passer.

Mais pire que ça… À travers les flammes, à travers le mur de chaleur et l’air qui vibre comme dans un mirage… la silhouette apparait. Elle me fixe de ses grands yeux andrinople du fin fond des enfers enflammés. Elle veut mon âme. Je le sens. Ses sabres laser crépitent et sont prêts à m’accueillir. Des larmes me montent aux yeux tant j’ai peur. Je ne peux que respirer la panique et trembler. Mais une force en moi me tire de cet envoutement, et m’ordonne de fuir. Je détale dans le petit virage à ma gauche. Cependant la silhouette me copie et file dans la même direction. Je ne dois pas me tromper, ou elle va me tomber droit dessus !

 

Le couloir dans lequel je m’engouffre ensuite se fait de plus en plus étroit. Je ne suis pas claustro - heureusement sinon je n’aurais jamais accepté ce poste - mais c’est vraiment serré. Un vrai labyrinthe ici. Mais depuis le temps, ça va, j’ai retenu les raccourcis.

 

Oh non… MERDE ! Pourquoi ça s’est éteint ? D’accord, l’alarme rouge fait peur, mais le noir total c’est pas mieux ! Ils ont dû couper l’alimentation de secours. Vite mon blaster ! J’allume la petite lampe qui est fixée au bout, et j’éclaire mon passage entre les tuyaux et les grilles d’aération. Awh c’est un vrai cauchemar, même dans les films ça fout pas autant les jetons ! Le halo est minuscule, pourquoi c’est si faible !?

Bon, du calme Eddo, du calme… Reprends tes esprits, tu vas t’en sortir. Peut-être… Merde, j’y crois même pas une seconde. J’ai les mains moites, j’ai envie de m’arrêter, de me rouler en boule et de pleurer. Ma mère me manque.

Je vais mourir.

C’est fini, c’est foutu je vais mourir. C’est simple, je vais crever, c’est tout. Mon heure a sonné, c’est la fin des qana, c’est… c’est…

Uhhh…

Je vais peut-être souffrir avant, peut-être pas.

MAIS MEEERDE !!

Non non non pitié non ! je veux pas ! J-je veux pas mourir. Pas maintenant, pas ici… pas sur Lexrul… Je veux juste rentrer chez moi…

 

C’était quoi ça !?

 

La moindre petite ombre qui bouge avec ma lampe me terrifie. Elles se cachent derrière chaque relief mural, au fur et à mesure que j’avance dans les ténèbres. Des petits fantômes qui m’observent et se dérobent…

 

J’avance encore un peu, et je sors enfin du chemin de traverse infernal. Je suis dans les niveaux inférieurs, dans les grands couloirs des entrepôts. D’énormes couloirs mansardés, aussi hauts que larges, débouchant sur de grandes portes de chargement blindées et verrouillées en forme de trapèze. Tous les quelques mètres, d’épaisses colonnes de renforcement adhèrent aux parois pentues. Au-dessus, plus un bruit. Un silence de mort absolu. Je suis seul…

 

J’ai pas de temps à perdre, elle sera là d’une minute à l’autre, je dois me cacher. Je parcours l’immense tunnel sombre, longeant les murs, armé de ma loupiotte à laser ridicule, cherchant un hangar ouvert.

Dix bonnes minutes se passent, lorsque finalement j’arrive près d’un croisement. Je sprinte pour en finir au plus vite, quand quelque chose m’attrape violemment et me flanque contre une colonne.

Des camarades ! Ils m’ont pris pour un soldat impérial à la con.

Je suis rassuré. Ils sont trois. Un comparse humain, grand, avec assez de grenades sur son plastron pour faire sauter un tank, me demande ce que je sais. Il est accompagné d’un advozsec et d’un vurk, qui couvrent les arrières.

Je leur explique à quel point je suis soulagé de les voir, quand je remarque quelque chose d’étrange sur l’armure du soldat. Une multitude de petits anneaux métalliques lévitent et pivotent autour des grenades sur son torse. Lorsqu’il s’en aperçoit lui-aussi, il pousse un début de cri, mais il est trop tard…

 

BOOM ! Une intense lumière blanche, un fracas du tonnerre, et me voilà qui atterrit dix mètres en arrière, du sang de partout sur le visage… Je suis bien sonné… le monde tourne… Les tripes chaudes sur le plafond m’indiquent que mes nouveaux amis m’ont abandonné. A la place, un épais brouillard gris s’étend devant moi. Le sifflement dans mes oreilles sonne encore, mais alors qu’il s’estompe progressivement, et que ma vue s’améliore… c’est un tout autre son qui me parvient. Un son bourdonnant, un long ‘Hmmmm’ technologique et hanté. Alors, dans ma plus grande terreur, la brume rougit.

C’est pas vrai…

 

Je me retourne et décampe. Je n’ai plus mon arme, je suis juste une proie qui a perdu toutes ses chances. Une larme de plus traverse ma joue. Je me sèche les yeux, quand un mirage m’apparait. Non, pas un mirage… une véritable dernière chance ! Ils sont bien là ! Toute une escouade est postée en barrage, à quelques mètres devant moi !

Je leur fais de grands signes, je leur crie qu’elle arrive, et je m’élance de l’autre côté de leurs barricades. Ah, mes sauveurs, quelle chance ! Je resterai bien avec vous, mais je préfère me cacher loin, très loin de…

Je n’ai fait qu’une quinzaine de mètres, mais quand je leur offre un dernier regard gratifiant… tout espoir m’est arraché à nouveau. La sith les a eus. Elle les a dévorés. Il n’en reste presque plus… La bête déchire le visage d’un zabrak d’un simple coup de griffes, puis l’empale au laser et passe au suivant. Celui-là, elle lui enfonce les dents dans le mur. Sa mâchoire inférieure s’est enfoncée dans sa propre gorge, il meurt en fixant le plafond. Enfin, elle avance langoureusement vers le dernier, qui est déjà sur ses fesses et recule. Lorsque le pauvre homme terrorisé atteint le mur, il sort un blaster de poche, ferme les yeux, et se fait sauter la cervelle. Pas qu’il ne veuille pas lui laisser ce plaisir, non… En vérité, il n’ose même pas imaginer une mort des mains de ce monstre, et s’offre le luxe d’une fin rapide et sans douleur.

 

Mais pourquoi moi !? Pourquoi elle me traque MOI !? Qu’est-ce que je lui ai fait ? Il y a plein de monde sur qui elle peut se repaître ici !... C’est à cet instant que je capte. Je suis le dernier survivant. Plus un cri ne retentit dans le complexe. Plus une planque pour se cacher. Plus rien…

 

Je vire à gauche, je traverse les couloirs gigantesques comme une fusée, et je tente de la semer. Très vite, j’arrive à un autre carrefour. Sur les côtés, des issues. Droit devant… un hangar ouvert ! Une ultime chance de me cacher ! Je me rue en avant, droit vers la bouche ténébreuse qui m’accueille à grands bras, quand brusquement la gueule de quadanium s’abat devant mon nez. Les dents carrées de la porte s’enfoncent dans le sol et manquent de m’écraser le pied. Je freine en panique et me retourne.

 

Elle est juste là.

 

La sith avance vers moi. Ses deux sabres allumés raclent presque le sol, sa longue robe cramoisie ondule à chacun de ses pas lancinants, sa capuche n’offre qu’un semblant de visage que je commence enfin à percevoir. Elle est si près. Je suis fini. Les portes des couloirs latéraux se ferment lentement, éclairés par d’autres gyrophares. Mais je laisse tomber. Je n’ose même pas m’y réfugier. C’est la fin.

 

Je me retourne pour tenter de fermer les yeux face à ce cauchemar, frappant quelques poings sur la porte géante, quand une force invisible me fait trébucher à plat-ventre. Je glisse, comme si le sol tout entier penchait vers elle. Je bascule, attiré par une gravité impossible. Je tente de m’accrocher, je plante même mes ongles dans le sol de métal, mais rien ne l’arrête. Je tombe lentement dans la gueule de la mort.

 

Quand finalement je m’arrête, et que mon corps tout entier tremble comme une feuille, je sens un poids douloureux sur le bas de mon dos. La sith presse sa botte sur ma vertèbre et se penche vers moi. Je sens à présent ses griffes me racler le crâne et saisir mes cheveux. Elle me tire en arrière, je gémis en vain. Puis mon âme cesse d’être. J’entends la bête humer mon odeur. J’entends son souffle, sa faim indomptable qui ronronne comme un fauve. Je tourne mes yeux vers ma droite, et devine les traits hideux de cette créature, qui vient de coller son visage près de moi, comme pour me murmurer quelque chose à l’oreille.

Son teint froid et pâle… Ses yeux plus rouges que ses sabres… son visage est déchiré par de profondes cicatrices sanglantes… Ses lèvres et son menton arborent de longues dents écarlates.

 

Alors je sens la douleur intense. La chaleur cuisante en un point précis. Ma vertèbre centrale, mes entrailles, tout bout et fusionne, fond et disparait dans un sifflement strident pour ne laisser place qu’à une longue barre de plasma qui me sort du ventre et éclaire le sol.

 

« AAAAAAAAAAAAHHHH !!! »

 

Je me réveille à nouveau, trempé de sueur. Et le monde réel me revient lentement. Je suis dans ma tente, en repos sur Dantooine. C’était encore un de ces foutus cauchemars.

Depuis que je lui ai échappé par miracle… je ne cesse de rêver d’elle.

Cette femme… cette sith… cette abomination… J’ai échappé à la mort en personne, et ça ne lui a pas plu. Elle me suit comme mon ombre à chaque sommeil.

 

En plus j’ai entendu dire la veille… qu’elle était devenue la nouvelle ‘Furie de l’Empereur’. Ça fait froid dans le dos… De tels monstres existent vraiment ! Et on est censés affronter ça !

C’est décidé. Demain, je donne ma démission. Je préfère vivre. Je ne veux pas risquer de la recroiser à nouveau ! Je n’y survivrais jamais…

 

Uuhhhh… Brrr, je préfère cent fois le réveil du moustique…

 

Pitié que cela cesse !

 

Pitié !

 

 

 

 

[Dromund Kaas : An -3 BTC / -3656 BBY]

 

« Pathétique ! Recommence. »

 

Xaash se releva. Elle épousseta sa pauvre tunique et frotta ses maigres bras. Une petite brûlure noire assombrissait sa peau de marbre. Elle redressa la tête vers le balcon.

Du haut de son perchoir, la grande silhouette de Maître Maygoll dominait. Et bien qu’elle ne put voir l’expression que son visage affichait, Xaash put tout de même deviner la paire d’yeux ambrés qui la foudroyait.

 

« Je m’excuse maître. Je tâcherai de faire mieux. », dit d’une voix fluette mais solennelle la petite fille de 9 ans.

 

« Ne t’excuse pas, enfant. Exécute-toi. Prestement. Ehhzo ne m’a jamais déçu, me décevras-tu ? », demanda Maygoll de sa voix rauque mais calme.

 

« Non, maître ! »

 

« Recommence... », grogna-t-il.

 

A ces mots, de nouveaux droïdes armés de blasters pénétrèrent dans l’arène, écrasant les débris de leurs prédécesseurs. Xaash dégaina sans plus attendre ses précieux sabres, et la grande silhouette recula dans l’ombre, pressant le chronomètre une nouvelle fois.

 

 

Dark Maygoll était un nagai, une espèce humanoïde élancée, à la peau grise et pâle, aux cheveux noirs comme l’espace, et réputée pour leur rapidité et leur agilité au combat. Comme beaucoup de son espèce, il ne parlait qu’un minimum, et n’usait que très rarement d’expressions faciales, mais c’était un redoutable guerrier, et un éminent professeur.

Après une année chez Dark Liother, à s’entraîner principalement à manier la Force, la formation de la petite Xaash était à présent passée aux bons soins de Maygoll. Ce dernier estimait que le travail de cette chère Liother concernant le maniement du sabre laser avait été de piètre qualité, et s’était promis de remédier à cela. En plus du sabre laser, Xaash devait dès lors s’exercer à employer la Force pendant le combat. Si ses prédécesseurs avaient estimé que leur protégée était encore trop jeune, le nagai voulait traiter Xaash comme une guerrière. De plus, la petite Xaash était en avance pour son âge. Après avoir réussi – par on ne sait quel miracle – à décimer une troupe de la République et à tuer son premier Maître Jedi à seulement 5 ans, l’humaine prodige avait passé toute sa petite vie à donner son maximum à chaque instant pour devenir plus puissante. Maygoll était conscient que son apprentie était une surdouée, mais jamais, ô grand jamais, elle n’avait pu dépasser son ancien apprenti.

 

Il en parlait constamment. Ehhzo par ici, Ehhzo par là. Tout ce que Xaash accomplissait n’était jamais que le brouillon de l’œuvre de son favori. Nul ne lui arrivait à la cheville. Les nagai étant obnubilés par leur honneur, Xaash n’avait jamais réussi à l’honorer. Ehhzo était la fierté de Maygoll à lui seul. Elle… n’était jamais que sa 7ème apprentie. Elle était à peine digne de porter un nom à ses yeux.

Mais là où tout autre élève aurait baissé les bras, Xaash se servait de cette comparaison éternelle. Si elle pouvait se dépasser, si elle parvenait à prouver à son maître qu’elle aussi pouvait contribuer à son honneur, alors elle donnerait tout.

 

 

« Misérable ! »

 

Xaash, une vibrolame pointée sur la gorge, ferma les yeux, frustrée, et désactiva ses armes écarlates. Les 10 droïdes assassins qui l’entouraient se mirent au garde-à-vous.

 

« Ehhzo était parvenu à tous les éliminer. Il les avait affrontés comme toi, tous les 10 à la fois, et en était ressorti victorieux. Tu dois trouver le temps de parer chaque adversaire, ne jamais les perdre de vue grâce à la Force. Tu n’es pas assez rapide, apprentie. Tu me déçois. Recommence. »

 

 

Tous les jours, Xaash s’entraînait, et tous les jours, son maître lui vantait les mérites d’Ehhzo. A chaque échec, elle en apprenait un peu plus sur cet éternel rival au glorieux score qu’elle rêvait elle-même de dompter.

Maygoll était rude, mais ses conseils étaient précieux. Xaash savait que grâce à lui, elle était en route pour devenir la prochaine fierté de l’Empire. Alors peu importe s’il ne l’appréciait pas à sa juste valeur. Elle avait connu bien pire. Et de cet enseignement, elle en sortait ce qu’elle désirait. Pas à pas, elle devenait plus forte.

 

 

« Stop ! … 32 secondes... C’est trop long. Ehhzo parvenait à vaincre ces mêmes 50 droïdes en 19 secondes. Souhaites-tu donc tant me faire déshonneur ? »

 

 

Tous les soirs, Xaash s’épuisait, et tous les soirs, elle restait éveillée quelques instants avant un profond sommeil bien mérité, juste pour se retrouver dans ce rêve éveillé. Pour s’imaginer ce jour fatidique, où l’élève numéro 7 rencontrerait enfin l’élève numéro 1. Où Xaash pourrait enfin regarder Ehhzo dans les yeux, et le défier en combat singulier.

Elle avait appris cette scène par cœur. Tout un discours, qu’elle répétait chaque soir avant de s’endormir, en amont d’une journée qu’elle attendait avec impatience. Le jour où son maître pourrait enfin assister malgré lui, à l’ascension légitime d’une petite gamine comme elle.

 

 

« Tu es encore tombée. Remonte et sers-moi le thé à nouveau. »

 

Ceci était l’épreuve la plus délicate de Maygoll. Une épreuve qui relevait autant de la maîtrise de soi que d’une prouesse de cirque.

Mais bien sûr, comme à chaque fois, Ehhzo, lui, y était parvenu.

Oui, il avait pu garder son équilibre sur cette infernale échelle horizontale faite de cordes ; reliée à chaque extrémité en un seul point, le moindre mouvement de travers la faisait entièrement pivoter sur elle-même. Il avait pu rester là, les yeux bandés, et dévier à l’aide de son sabre laser, les tirs de cette satanée sonde qui lui tournait autour. Tout ça, en versant du thé à son maître, assis non loin dans un fauteuil, en se servant de la Force uniquement.

Mais Xaash était encore loin d’y parvenir. Aussitôt montée sur une des marches en bois de l’échelle, le droïde tirait sur elle, et cette sorte de pont à bascule se retournait, envoyant une pauvre aveugle au tapis de la honte, deux mètres plus bas. Une épreuve aussi frustrante que difficile. Mais Xaash, jamais ne renonçait. Si elle pouvait vaincre une sonde les yeux fermés, ou servir le thé avec la Force, ou même dompter cette échelle à bascule… il restait à trouver un moyen de faire le tout en même temps.

 

 

« Minable. »

 

 

Alors, jours après jours, semaines après semaines, mois après mois, la jeune enfant de 9 ans se levait tôt, avant même son maître, et s’exerçait à devenir meilleure. Véritable battante, elle ne baissait les bras que lorsqu’il était temps de dormir, et que le lendemain offrait une autre chance de vaincre.

 

 

« Pathétique. »

 

 

Et entre temps, elle rêvait d’affronter l’apprenti de son maître. Qu’importe qu’il soit grand, terrifiant, alien ou humain, sympathique ou démoniaque, noble ou dans la boue. Elle le trouverait, et elle l’enverrait sous terre, pour son maître. Pour tous les maîtres qu’elle avait eus avant lui. Pour elle.

C’était sa passion. Et par sa passion, elle deviendrait imbattable.

 

 

« Encore. »

 

 

Ainsi était la voie des Sith.

 

 

Et petit à petit… les efforts de Xaash firent leurs fruits. Doucement mais sûrement, les différentes épreuves de Maygoll tombaient sous le joug de la petite surdouée aux mille cicatrices. Au fur et à mesure, le grand nagai évoqua de moins en moins le nom de son toutou. Bien qu’aucun compliment ne sortît de sa bouche pour réchauffer le cœur de l’enfant, l’enseignant ne pouvait nier les avancées considérables de sa virtuose combative. Celle dont l’unique motivation était de devenir la plus puissante des sith, pour le bien du peuple qui l’avait recueillie en tant qu’orpheline.

Petit à petit, le chiffre sur le chronomètre se réduisit. Peu à peu, il restait de moins en moins de droïdes debout lorsque Xaash les affrontait simultanément au sabre. Pas à pas, la théière se rapprochait du fauteuil… avant une chute pour l’instant inéluctable.

 

 

Un soir, alors que la petite Xaash avait encore une fois surpris son maître en réussissant haut la main une poignée d’autres épreuves, et avait passé le reste de l’après-midi à lire ses cours de sciences vivantes… la fatigue ne vint pas. Dromund Kaas dormait déjà, mais pas un bâillement ne chatouillait la bouche de la jeune aspirante. Elle s’était tout de même dévêtue, et s’était préparée pour dormir.

Mais Ehhzo ne vint pas non plus. La scène qu’elle passait en boucle, le discours gravé dans son cœur, la bataille épique avant de fermer les yeux… rien.

Xaash resta allongée sous son drap, et tourna la tête vers la fenêtre. Au dehors, le ciel safre crachait sa lumière d’ivoire habituelle. Quelques étoiles parvenaient même à perforer le drap d’ardoise constant de la stratosphère. Un léger vent frais vint lui caresser la cuisse, qui dépassait du drap. Elle se roula en boule, emmitouflée dans son cocon de confort tiède. Son petit nez de craie dépassait à peine, et ses yeux sinoples, doucement, commencèrent à se relâcher…

Soudain, elle ouvrit grand les yeux.

D’un bond, elle se releva. Elle renfila en hâte sa grossière tunique noire, qu’elle avait confectionné elle-même, dévala les marches, et fila droit vers l’arène de son maître, encore endormi.

 

Le lendemain matin, Maître Maygoll descendit les marches de sa chambre, traversa à pas fatigués les longs couloirs froids de sa demeure, et se dirigea vers l’arène. Il posa ses mains pâles sur les grandes portes en manax sombre, et pénétra.

Il afficha un petit rictus quand il vit ce qui se présenta devant lui. Un rictus que Xaash ne perçut pas, car ses yeux étaient bandés.

Au milieu de la salle, la jeune fille pendait la tête en bas, genoux pliés autour de l’échelle à bascule. Son sabre laser tournoyait entre ses petits doigts agiles dans son dos, alors que le petit droïde sphérique tentait vainement de trouver une faille pour la toucher. A droite de cette scène, le grand fauteuil et la petite table qui l’accompagnait flottaient adroitement. Juste au-dessus, la théière versait une eau encore fumante dans la tasse, elles aussi en lévitation.

 

« Votre thé, Maître… »

 

 

A la fin de l’année, il était temps pour Xaash de quitter Maygoll. Son prochain maître, un givin nommé Dark Ponzoggel, était venu se présenter pour prendre la relève. La jeune fillette regardait les deux adultes discuter, fixant non sans une certaine inquiétude le faciès déconcertant de son prochain tuteur. Mais il ne faut jamais se fier aux apparences. Et lorsqu’enfin, la 7ème apprentie fit ses adieux à celui qui était pour elle son 5ème mentor, elle osa lui faire une demande qui lui brûlait les lèvres depuis longtemps :

 

« Maître… J’aimerais votre bénédiction pour provoquer Ehhzo en duel, où qu’il soit aujourd’hui… »

 

Le grand nagai, qui la regardait de haut, afficha alors une expression qui projeta une vaste ombre dans l’esprit de Xaash : Un sourire. Pas le genre de sourire bienveillant, ni non plus celui de la fierté. Mais bel et bien celui de la moquerie.

 

« Si tel est ton souhait… Au revoir, et adieu… Xaash. »

 

L’élève s’inclina devant son maître avec respect, mais non sans un certain dégoût, et suivit son prochain tuteur sans dire un mot de plus.

Était-il à ce point aveuglé par sa fierté passée qu’il lui refusait toute victoire, tout espoir ? Pourquoi ne voulait-il pas admettre qu’elle avait dépassé son cher Ehhzo ?

Qu’importe. Elle fouillerait la galaxie pour trouver ce rival. Elle lui réciterait son discours, elle pointerait sa lame sous son nez, et elle rapporterait sa tête à Maygoll.

Xaash se retourna une dernière fois vers son maître, qui la fixait de ses yeux d’ambre. Les mains dans le dos, droit comme un pic, solennel, attentif, et éperdument silencieux...

 

Ils ne se revirent plus jamais.

 

Ce n’est que peu de temps plus tard que la 7ème apprentie réalisa que le nom "Ehhzo" ne figurait sur aucune liste, sur aucun registre. Car lorsque l’on décale chaque lettre de ce nom de 7 places en arrière dans l’alphabet… on lit ainsi "Xaash".

 

 

 

 

[An 4 ATC / -3649 BBY]

 

Quelle est notre place dans l’univers ? Une question posée maintes et maintes fois, trop souvent peut-être. Pourtant la voici à nouveau.

Les romantiques trouvent parfois des réponses dans la poésie ; les hommes plus terre-à-terre cherchent encore une explication dans leurs télescopes, mais en réalité, la réponse est toute simple, et est inscrite à mi-chemin, entre le monde des arts et celui de la science.

Bien souvent, l’on trouve sa place en perdant notre regard dans les étoiles, et en laissant leur éclat miroitant nous le renvoyer.

 

 

[Dromund Kaas]

 

La Caldera Stygienne étincelait. L’immense nébuleuse, d’ordinaire d’un rouge-brun terne, revêtait ce jour-là de surprenantes nuances d’améthyste. Calmement, elle s’étirait tel un cirrus spatial, dévorant les astres lointains les uns après les autres. Dans son ventre, en coulisses de ce spectacle, le ciel de Dromund Kaas était dégagé. C’était certainement l’unique emplacement de la capitale sith affranchi des orages. Alors que sur d’autres mondes avoisinants, des nations s’écroulaient lentement, ensevelissant douleur, cendres et flammes… deux ravissantes femmes levaient les yeux vers le sombre et chaotique infini.

 

« … Et droit devant, à à peu près 390 parsecs d’ici, tu peux voir Horuset. Sa fournaise cinabre dore les sables de l’Académie à l’heure où nous parlons… » La femme en rouge sortit sa montre de poche aux reflets de bronze, l’inspecta rapidement, puis corrigea : « Mh… Pardon, là-bas, il fait nuit… »

 

Logée dos contre sa poitrine réconfortante, la plus jeune, âgée de 16 ans, ne quittait pas la scène du regard. Ses paupières, aussi captivées qu’elle peut-être, avaient oublié de se refermer depuis un moment. L’ensemble des astres au loin se reflétaient dans ses iris verts d’une beauté faramineuse. Sa petite bouche, légèrement entrouverte alors qu’elle retenait son souffle, déchirait le tracé de ses tatouages. Ses deux mains satinées, l’une reposant sur l’autre, retenaient son genou relevé sous sa longue robe noire.

L’adolescente huma l’air dense de la jungle, qui montait vers le nord. Quel doux moment sa maîtresse avait choisi pour un petit cours d’astronomie locale. Elle ferma les yeux un instant. Sa respiration sereine traduisait un confort total, sans le moindre problème à l’horizon. Pas d’entraînement, pas de missions, pas de risques… Juste deux femmes, seules au monde, sur le toit d’un petit bâtiment au sud de la ville, tranquilles… Un lieu de paix bien à elles, où le maître et son apprentie avaient choisi d’assister au spectacle stellaire.

 

« Je suis si bien, ici… », soupira la plus jeune. « J’aimerais ne jamais partir… »

 

« Partir… ? As-tu un voyage à entreprendre, apprentie ? »

 

« Korriban… Il est bien prévu que j’y aille, un jour ? Pour ma formation… », lui rappela-t-elle, anxieuse.

 

« En effet… Mais aujourd’hui tu es ici, sur Kaas… à mes côtés. Ne te projette pas tant, ma grande. L’avenir est trouble, même chez ceux qui sont doués pour déchiffrer les mystérieux murmures de la Force. Laisse ton imagination reposer sur le présent. »

 

« Oui… », répondit tout d’abord la jeune sith, soulagée de pouvoir rester dans les bras de sa tutrice. Elle se serra bien au chaud contre sa poitrine. Après tout ce temps passé ensemble, elle s’y était tant attachée. Elle eut cependant un instant d’hésitation… puis se força à fermer les yeux. « …Maître. », conclut-elle d’une voix bien plus faible. Une voix qui traduisait malgré elle un flot de pensées reposant plutôt sur le passé.

 

« Tu allais m’appeler ‘mère’… N’est-ce pas ? », demanda la femme d’un ton un peu plus froid, tout en observant les étoiles à travers un ridicule petit télescope de poche.

 

Coupable, l’enfant ne sut que répondre.

 

« Xaash… Je ne puis être que ton tuteur, et tu dois t’en souvenir. Ne te berce pas d’illusions : tu as bel et bien perdu ta famille ce jour-là. Mais il n’est pas trop tard pour trouver ta place. »

 

La jeune sith fixa sa tutrice en levant la tête. La grande dame lui souriait. Même dans les instants de faiblesse, elle était si tendre avec elle. Elle se fit violence pour retenir les larmes qui affluaient vers ses yeux.

 

« Ma place… », répéta-t-elle solennellement après s’être retournée vers les astres impartiaux à son sort. Elle laissa ses faux espoirs derrière elle.

 

Le professeur caressa le doux crâne glabre de sa protégée, et poursuivit son cours :

 

« Hum hum… Alors… A mi-chemin entre nous et Korriban, tu peux distinguer le soleil de Bosthirda. Juste là, légèrement à droite, presque caché derrière Dromund Kalakar. Tu le vois ? »

 

La jeune élève, toujours un peu rêveuse, reporta son regard lointain dans la direction que son maître indiquait. Elle acquiesça, un sourire renaissant sur les lèvres. La dévouée astronome en herbe continua :

 

« Jaguada, désertique et inintéressante, est derrière nous. On ne lui fera face que cette nuit. Enfin, si tu suivais la Kamat Krote, qui va de Jaguada à Korriban en passant par ici puis par Bosthirda, et que tu continuais tout droit dans le cosmos… à environs 657 parsecs d’ici d’après mon sextant, tu tomberais vite sur Corbos, célèbre pour la bataille qui y a eu lieu il y a plus de 3 000 ans. »

 

L’adolescente calcula rapidement et se retourna, pressée de préciser :

 

« 3 251 ans. La Bataille de Corbos qui mit fin aux Cent Ans d’Obscurité. »

 

La dame aux cheveux d’or sourit, impressionnée par la vaste mémoire de son apprentie, mais aussi par son perpétuel perfectionnisme.

 

« Tu as tout à fait raison Xaash. », soupira-t-elle en se tapant la tête. « Si seulement j’avais ta mémoire… je n’aurais pas oublié tes cadeaux d’anniversaire. », dit-elle tristement, tout en lui tendant un tout petit paquet emballé.

 

La jeune fille pâle fit de grands yeux devant le petit cadeau, emballé soigneusement dans un tissu qui ressemblait à un épais mouchoir de cuir brun. Tout autour, un petit ruban rouge, aussi en cuir, scellait le mystère à l’intérieur. La jeune sith releva la tête vers son mentor, émerveillée avant même d’ouvrir. C’était là son tout premier cadeau d’anniversaire. Du moins, d’aussi loin qu’elle sembla se souvenir. Sans réfléchir, elle se jeta dans les bras de sa maîtresse bienveillante, et serra sa bure écarlate aussi fort qu’elle le put. Les deux femmes manquèrent de basculer du toit.

 

« Merci Zash… »

 

Émue, la grande dame rendit son étreinte à l’adolescente. Elle baissa la tête, écarta une mèche de sa chevelure d’orambre, et vint déposer un baiser sur le front de sa pupille :

 

« Mais ouvre-le donc avant de me remercier à ce point. Ce n’est vraiment pas grand-chose, je l’ai trouvé… OH ! Non, attends ! » Elle prit l’épaule de Xaash d’une main, posa l’autre main sur ses yeux, et lui fit faire un demi-tour à l’aveugle. Lorsqu’elle retira sa main, elle lui murmura : « D’abord… il y a ce cadeau-là... »

 

Une légère pluie commença à tomber en même temps qu’une brise mélodieuse balaya les cheveux de Zash. Quand Xaash ouvrit les yeux, elle ne sut pas vraiment quoi regarder. Elle faisait face à la ville de Kaas City. Depuis le sommet du bâtiment sur lequel elles avaient grimpé, la ville resplendissait comme chaque jour et chaque nuit, dans l’obscurité constante de la planète nocturne. Pourtant, un éclat de plus vint lentement perforer le noir. Entre la toiture et la cité, quelqu’un escaladait l’échelle qui menait au toit. Une petite main frêle serrait fort le barreau chromé, alors qu’une paire de pas se faisait entendre sur les marches. Le cœur de Xaash se serra, elle cessa toute respiration. Le petit paquet manqua de lui glisser des mains.

 

La silhouette à un bras qui avançait devant elle rayonnait de tout son petit corps. Ses pieds étaient nus, son visage était bas, ses cheveux ressemblaient à ceux de Zash, sinon qu’ils étaient plus… clairs. Un air perplexe rigidifia le regard de Xaash. Même si elle ne parvenait pas à discerner ses yeux, elle pouvait reconnaitre sa silhouette entre mille.

 

« Jahnelthra… ? »

 

L’élève se retourna vers sa maitresse, troublée. Zash, qui regardait fièrement droit devant, répondit :

 

« J’ai décidé de les adopter tous les deux. Je n’ai pas pu résister. Je me suis dit qu’ils te plairaient... »

 

Quand l’adolescente fit demi-tour à nouveau, elle remarqua que l’enfant échanie portait quelque chose dans son bras. Là, serré contre sa petite poitrine, dormait paisiblement un tout petit chien rouge, un chiot, pas plus grand qu’un jeune ysalamir.

 

Le vent se leva et commença à gronder. Xaash, complètement perdue, baissa alors la tête vers son petit présent emballé. Elle défit le ruban qui s’enfuit libre comme l’air, déroula le long cuir sombre qui prit la forme d’une bourse, et regarda à l’intérieur.

Une paire de tout petits yeux blancs, scintillant comme deux minuscules étoiles, la fixait avidement du fond du sac.

 

La tempête ragea. Les bourrasques chaotiques firent trembler la planète. Le monde devint de plus en plus blanc, avalé par une lumière aveuglante. Un cri strident retentit dans les oreilles de la jeune sith désorientée, qui perdit l’équilibre. Une sévère migraine lui rongea l’esprit. Consumée par un millier de soleils, la planète s’effaça.

 

« Xaash… ? »

 

La jeune fille aurait tant souhaité rester… mais tôt ou tard, il faut bien se réveiller.

 

« Xaash ! »

 

Ouvrant les yeux en un éclair, Xaash inspira un grand coup. Un long frisson parcourut ses bras. Au-dessus d’elle, Jahnelthra semblait inquiète. La petite échanie posa une main sur le front de la sith, dans l’autre, elle tenait une chandelle qui éclairait faiblement la pièce sombre, leur chambre secrète… sur Korriban.

 

« T’as fait un autre cauchemar ? », demanda d’une voix douce la petite fille de 13 ans. Son léger accent ressortait un petit peu plus que d’habitude. Ses cheveux, plus blancs que le pelage d’un nourrisson wampa, tombaient sur le cou de l’humaine.

 

Cette dernière se détourna, roulant sur le côté.

 

« Tout va bien… Rendors-toi… », soupira-t-elle.

 

Jahnelthra fit une moue déçue. Avec un sourire navré, elle haussa les épaules, et retourna sous les draps. Roulée en boule, elle se blottit face au dos de Xaash, qu’elle caressa précautionneusement. La sith pâle ne réagit pas. Quelques minutes plus tard, l’échanie dormait profondément, serrant contre son corps son gros coussin rouge.

 

Xaash, quant à elle, dormit très peu cette nuit-là. Elle repensa à Zash et à ses mots. Elle devait encore trouver sa place… Qu’avait-elle voulu dire ? Devait-elle réfléchir à une place spécifique à tenir dans l’Empire, peut-être… ? Elle se secoua la tête. Ce n’était pas Zash, pas la vraie. Tout cela n’était qu’un rêve, inutile d’y penser davantage…

Cependant, une petite nostalgie lui serrait toujours le cœur. Elle qui pensait avoir trouvé sa place dans ce rêve. Il était peut-être grand temps de renoncer à l’espoir d’une famille.

 

Ironiquement, elle n’avait aucune idée des rouages mystiques que la Force avait mise en marche.

 

 

 

 

[Yavin IV : An 14 ATC / -3639 BBY]

 

Mmmmh… Mmhhhhh… Q… Que…? Uhh…

 

Le monde tourne trop vite… Je peux sentir sa force vertigineuse me remuer l’esprit comme si j’étais une crevette dans un maelstrom. Ma vision est trouble, tout comme mes souvenirs, les couleurs se fondent, la lumière est aveuglante. Un oiseau chante, non loin, je crois. Son gazouillis est sourd, comme si je venais juste d’échapper à une grenade. Je n’essaye même pas de me relever. Je reste allongée ici, où que ce soit… Je laisse mon corps et mon esprit s’éveiller. Je ne sais même pas discerner mes songes de la réalité. Tout est muable. Tout n’est qu’illusion…

Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Pourquoi ma tête me fait si mal ? Étais-je à une fête ? Aurais-je essayé de boire ? Ai-je été droguée ? Je suis encore dans les nuages, tout est flou et pivote comme une toupie infernale… Mon corps est si tendu. Pour quelle raison… ? Ai-je fait l’am-… Ai-je passé la nuit avec quelqu’un ? Est-ce là la raison de mon état si étrange ? J-… Impossible… je divague trop. Non, Jahnelthra a dû enfin parvenir à me faire boire, c’est bien plus probable…

 

Ma vision redevient nette. Je commence à apercevoir la cime des arbres qui me font de l’ombre. Je suis au milieu d’une scène qui ressemble à la jungle de Yavin… Je suis étendue sur le sol… seule… Plus haut encore, au sommet de la falaise, je discerne le balcon de pierre.

 

J’aurais tant aimé que ce fût un rêve… Mais il n’en est rien ! En un instant, tout me revient. Le monde s’effondre dans le trou noir de la réalité, une fois de plus. Ma petite pompe se fissure alors que son rythme chute. Je retrouve ce noir chapitre d’un livre qu’il m’est incapable de poursuivre. Son existence lugubre se rappelle à moi qui n’en veux pas. Pire que de quitter le cauchemar en se réveillant est le châtiment que de se réveiller vers le cauchemar. Une fois de plus, ce qui m’était si cher m’a été arraché, tel le mirage qui me glisse des doigts au petit matin.

 

Jahnelthra m’a trahi.

 

Ma plus grande alliée, mon amie d’enfance, celle en qui j’avais placé tant d’espoir et confié tant de secrets, vient de me balancer du haut d’un balcon. Elle a tenté de me tuer. Mes souvenirs se font de plus en plus clairs. Le dîner… Elle a parlé d’un plan à grande échelle, pour changer le cours de l’histoire, le cours de la guerre… Oh non, elle a posé des bombes sur la capitale. C’est de la haute trahison ! Elle n’a pas idée des répercussions… des conséquences de ses actes. En agissant ainsi, elle signe son arrêt de mort. Peut-être même le nôtre. Elle met un terme à tous ses rêves de grandeur, à tous ceux que je lui souhaitais, à tous ceux que je voulais vivre avec elle.

 

Mon avenir, tout à coup, prend un nouveau tournant, par sa faute. Elle n’a jamais su tenir en place. Il lui fallait toujours un peu de pouvoir, de mesquinerie. Et voilà, désormais, c’est tout un château de cartes qui s’écroule, dévoilant sa véritable nature tout autant que la fragilité de nos ambitions passées. Pourquoi !? Ne m’avait-elle pas parlé d’une vie riche au sommet d’un grand château, vivant toutes deux pour détruire la République et les Jedi ? Était-ce donc là sa vision de "l’Empire à nos pieds", depuis le début ? Comment ai-je pu me fourvoyer à ce point ?

 

Je tente de me relever, mais je m’écroule avant même d’être debout. Les branches des arbres n’ont pas dû amortir ma chute. Mon corps tout entier est lourd et me fait souffrir. Mais mon cœur est cent fois plus souffrant.

 

Jahnelthra nous a trahis. Tous les deux…

 

Andrax… Que lui est-il arrivé ? Je cherche un peu plus profond dans mes souvenirs. Il y a eu une bataille là-haut. Andrax a dégainé, je me souviens. Puis l’onde de choc de Jah… Il est peut-être toujours là-bas. Au vu du calme qui règne plus haut, j’ai de quoi m’inquiéter de son sort.

 

Les mots de Jahnelthra me reviennent… Depuis le début, elle ne nous a approché… que pour le bien de son plan !? Toute cette confiance, tout… tout cet… tout ça pour ses desseins de… de dissidence !?...

 

Elle nous a manipulés… nous a trompés… A-t-elle utilisé ses pouvoirs psychiques pour nous envoûter ?... Sans aucun doute...

 

Je dois me relever… Je… voilà.

 

Je ne peux m’y résoudre… cela n’a aucun…

 

Ce que je n’arrive pas à comprendre… c’est comment elle a pu… Comment a-t-elle pu défier sa propre patrie, l’Empire… moi… ?

 

Non…

C’est pire que ça. Elle n’a jamais été des nôtres. Je me souviens, elle a dit qu’avant de me rencontrer elle… elle avait suivi une formation d-…

de Jedi…

 

 

Hhhhhhhh… hhahhhh… n-nnh….

 

 

J-…

 

 

Mes yeux me brûlent. Je frissonne de tout mon corps. La douleur physique se dissipe, et est remplacée par une crispation totale et incontrôlée. Mes griffes se plantent dans mes paumes. Mes dents s’aiguisent dans ma bouche et mes orbites se craquellent. Mon cœur s’alourdit et pulse comme jamais. Le monstre sort… Seule reste…

…la haine.

 

Jahnelthra…

 

J’ouvre les yeux.

 

Ce monde ne sera bientôt que sang et braises. Cette planète restera maudite, aucune âme en son sein ne trouvera plus jamais le moindre repos. Je vais tuer tout sur mon passage. Je vais tous les étriper, un par un, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Ma rage sera irrémissible et suprême. Ma souffrance engendrera au centuple ma furie. Nul ne pourra freiner l’apocalypse que mes flammes répandront en ces lieux. Elle a voulu se jouer de moi, de mes sentiments, de mes rêves… !? Ses hommes vont enfin me voir sous mon vrai visage. Si certains redoutaient mon aspect autrefois, pour la première fois, ils sauront. Ils sauront qui est vraiment Xaash-tâ. Ils sauront la véritable nature de la Furie de l’Empereur. Ils goûteront de ma colère, ils tâteront de mon sabre. La Force va faire un massacre entre mes doigts. Nul n’en réchappera vivant….

 

Quant à toi… toi, ma très chère amie… m-…

 

Je te fais une promesse…

 

Si tu n’es pas cloitrée dans ta haute tour quand mon poing baigné de sang défoncera ta porte… si tu oses fuir le destin que je t’amène de toute ma passion… je te retrouverai. Je traverserai la galaxie, je déplacerai les étoiles et fouillerai les bas-fonds des plus sombres trous noirs, quoi qu’il m’en coute… Ma frénésie s’abattra sur toi, petit chaton blanc, crois-le bien. Je te plierai, je te briserai, je te ferai m’implorer un pardon que tu ne gouteras jamais. Et quand tes petits yeux aux éclats de lune se reflèteront dans les miens… je faucherai ton cœur battant de ma propre main.

 

Place au bain de sang. J’ai hâte de commencer à tuer.

 

 

 

 

[Korriban : An -12 BTC / -3665 BBY]

 

« Mon enfant. N’aie aucune crainte, car ton avenir se gravera bientôt dans la Force. Comme celui de tes parents, et de leurs parents avant eux. Ta gardienne s’escrime, et veillera au loin. Que la sombre nuit en soit témoin. Aujourd’hui, ma fille… tu es née et tu renaîtras. Ainsi va la Force.

 

Par-delà les flammes impartiales et le sable carmin, les moindres morts murmurent et se lamentent leurs regrets. Mais leurs chants sont frivoles, car ils appartiennent à l’immuable. Au-dehors, un vent à tout souffler chasse les ossements oubliés du temps. Bientôt, il brossera l’échine de la Vallée des Seigneurs Noirs. Écoute son zéphyr et surveille son grain, car il te guidera dans les tresses infinies de ton histoire.

 

Par l’héritage de notre Maître, et le sang de tes ancêtres, et la pureté de ton cœur, chère enfant, accepte tes couleurs. Reçoit la caresse de ce simple pinceau. Les mains de ta garante sont si adroites ; pas une goutte de l’encre sanguine sacrée ne sera répandue en vain. Tu ne ressentiras nulle douleur, tu as ma parole. C’est idiot, mon âme est si fragile, je ne puis t’offrir au supplice des épines.

Sur tes lèvres pâles, ton petit menton et ta gorge encore vierge, se dessine une promesse : Application, dévotion, puissance et sincérité. Appliquée, par la finesse de tes petits doigts et de ton esprit. Dévouée, dans les causes minimes comme capitales. Puissante, car ta force dominera tes alliés ainsi que tes rivaux. Sincère, lors de chaque nouveau chemin qui s’ouvrira devant toi. Puissent tes marques protéger ton héritage, et protéger le rêve. Car ne t’y trompe pas, tu descends de l’Ordre Sith, mais j’en suis sûre, tu iras tellement plus loin…

 

Mais assez de songes… laissons ta marraine composer ce rite, car ton avenir se grave dans la Force.

 

Oh, ma fille… tes yeux émeraude sont si doux.

 

Pour vrai te dire, je n’éprouve pas un tourment, car quelle que soit ta route, tu auras notre confiance. Ton père et moi n’auront vécu que pour cet instant glorieux : le jour de ta naissance. Ton chemin forgera-t-il celui de cet Empire, de cette galaxie ? Ton nom deviendra-t-il légende, quand tant d’autres tomberont dans l’oubli ? Le temps nous le dira. Mais j’ai la certitude que tu es destinée à de grandes choses, ma fille. Pour notre Ordre, et pour la Force elle-même. Notre souverain légitime et immortel sera si fier de toi, j’en suis certaine.

 

Enfin, ma chère enfant, je ne suis qu’une mère ordinaire. Aussi je t’exprime ces simples souhaits :

Réalise tes rêves les plus fous, aussi loin ta passion te mènera-t-elle. Entoure-toi de proches, d’alliés, et si tu le peux, d’amis, car nous vivons une ère dangereuse. Voyage jusqu’aux confins de la galaxie, tout en te trouvant un foyer, une famille. Accomplis enfin la volonté de l’énergie universelle d’où émane ton véritable pouvoir, car elle sera ton guide le plus fidèle. N’oublie pas, chère fille, que je t’aime, que nous t’aimons tous deux.

 

Jamais tu ne nous décevras. Nous sommes déjà si fiers de toi… Xaash. Si fiers…

 

Shhhhhh… Ne pleure pas mon bébé, car ton avenir est gravé dans la Force. »

2021) Xaash & Zash (Eva Green & Rachel McAdams).jpg
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