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Ryfs: Aucun Témoin

 

Le ciel brillait sous le puissant Tythos ce jour-là. Les belles cascades fondaient sur la roche et dans les ruisseaux. Les oiseaux chantaient et les arbres dansaient avec la brise. De partout, la joie et l'excitation pouvaient se faire ressentir. Ce n'était pas un jour comme les autres pour la plupart des gens autour de moi. Les aînés poursuivaient leur entraînement habituel, les maîtres continuaient leurs leçons... mais les nouveaux venus sautaient comme des puces de Hutta, fiers et souriants. C'était une rentrée des classes pour les padawan avancés sur Tython. Les jeunes enfants étaient là depuis déjà deux mois, et moi, je ne connaissais rien ni personne.

 

 

Maître Nolar'Hekk m'avait trouvé sur Coruscant, à la plonge dans un vieux restaurant du quartier Est. Je m’en rappelle comme si c’était hier. Il était rentré dans la cuisine, sa capuche blanche sur les yeux, comme un vieux fou en plein délire, et écartait tout le monde qui se trouvait en travers de sa route pour trouver "cet être sensible à la Force" qu’il avait ressenti depuis la salle à manger, lorsqu’il savourait sa Salade Fraîcheur de Ryloth. Il avait négocié avec mon patron et m’avait invité à le regarder finir son repas. Je ne savais rien de la Force, et jamais je ne m’étais imaginé qu’au bout de quinze mois, ce fêlé religieux parviendrait à me faire soulever un caisson de chargement d’une demie tonne uniquement par la pensée. D’après lui, j’étais naturellement doué pour ça, mais j’étais déjà vieux pour devenir un padawan, et mon talent au combat était… "inexistant". C’est donc pour cela que je me retrouvais ici, sur Tython, le lieu de naissance des Jedi, entouré de cinquante autres élèves de mon âge ou moins. J’étais là pour apprendre, et "renaître".

 

Tout autour de moi, des êtres, jeunes hommes, femmes, humains et aliens de toutes sortes attendaient les seniors, leurs futurs mentors. Pour certains, leur prochain maître. Non loin de moi, une élève fait le pitre et danse devant deux collègues, riants. Derrière elle, un maître retient son air sérieux, mais ne les calme pas. Plus loin, un rodien apeuré tient la main à une amie. Il n’y a pas de raisons, le premier jour est un jour de découverte uniquement. A mes côtés, un zabrak discute avec deux miralukas, et une femme apprend à une autre comment s’asseoir correctement pour méditer. Ici, un jeune padawan, assez grand en taille, semble perdu au milieu de la foule. Il y a de quoi, on ne voit même plus les murs du couloir, sauf en regardant en l’air. Ici tout est si grand. Un maître jedi, une vieille mirialan, me marche sur le pied, mais je ne dis rien. Tout bouge, s’agite et discute en même temps, tout semble chaotique dans ce couloir, mais pourtant rien ne l’est vraiment. Je me sens à ma place pour une fois. Je me sens… chez moi.

 

Je respire un bon coup. Je prends une grande inspiration, monte mon nez vers le plafond, et calmement je ferme les yeux et expire cette petite pression. Il y a beaucoup de monde ici tout de même.

 

Lorsque j’ouvre les yeux, le temps ralentit devant moi. Chaque personne qui bouge, s’agite et discute le fait au ralenti, et les sons s’assourdissent avant de rentrer dans mes oreilles. Et c’est là que je la vois. Alors que la vieille mirialan me passe devant, une silhouette se dégage dans la foule. Un visage sort de la multitude et pénètre mon esprit. Elle ne me regarde pas, et personne d’autre que moi ne la regarde. Elle est là, encerclée par une masse désordonnée de jeunes apprentis, et elle cherche son chemin. Un peu comme moi, un peu comme nous tous au final.

 

Si je m’étais vu à ce moment-là, en train de la fixer bêtement avec un air stupide, j’aurais ordonné à mon corps de sortir de cet envoûtement. Mais le temps pour moi était si long… si paisible. Je n’avais alors aucun autre endroit où être, aucun autre visage à analyser. Je me laissais donc porter par ce sort étrange, curieux comme un enfant.

 

Ses cheveux blonds, attachés à l’arrière de sa petite tête en une queue de cheval. Sa petite frange rebelle. Ses doux yeux bleus emplis de paix et d’harmonie, pourtant encerclés par un genre de mascara sombre. Même son léger sourire m’obsédait. Elle était vêtue comme toutes les autres. Une simple toge d’entraînement Jedi, mais elle semblait faire corps avec chaque pli, comme si sa tenue avait été faite sur-mesure. Ce n’était absolument pas notre cas, à nous pauvres débutants. Elle portait sur son dos une épée d’entraînement, signifiant qu’elle avait déjà fait ses preuves au combat sur une autre planète. Nous autres avions encore à visiter l’armurerie. Je me demandais bien quelle planète offrait à la galaxie d’aussi pures merveilles…

 

Lorsque la belle jeune femme me dépassa, l’horloge universelle se remit à foncer, et le temps que je me retourne, je l’avais perdue dans la foule. L’un des maîtres du temple commença à attirer l’attention de tout le monde. Il n’eut pas la mienne. Je repris conscience lorsque les derniers élèves descendaient les marches près du grand holocron. Avec un petit sprint, je rejoignis le groupe et la visite commença.

 

 

Nous n’étions pas des padawan dotés d’une puissance exceptionnelle. Donc au lieu de nous donner à chacun un maître et de commencer l’entraînement en duo directement, les élèves dans notre genre étaient regroupés en classes, comme avec les petits. La visite était longue et précise, et se terminait par l’armurerie. J’étais passionné par l’architecture de cet énorme édifice. Les hauteurs avaient toujours été mon truc. Sur Coruscant, mes visites en altitude se résumaient à des appartements et des bureaux étroits. Ici tout était spacieux, et pourtant uni. Tout avait sa place et sa raison d’être, tout était décoré et bien éclairé. Les cascades à l’entrée avaient des histoires à raconter, le grand holocron encore plus. Chaque salle avait un but précis, chaque statue représentait la vie d’un Jedi mémorable. Les portes du Conseil vous écrasaient de par leur taille comme de par les responsabilités qu’elles cachaient derrière elles. Le meilleur pour moi était la bibliothèque. Ces tonnes d’archives bleutées, si imposantes que seul un Jedi pouvait attraper le contenu des plus hautes étagères, par la Force… ou une personne n’ayant pas peur de prendre l’espèce d’échelle automatique. Enfin, après l’armurerie, les élèves allaient se reposer dans leurs quartiers, moi je préférais méditer. Méditer sur la joie et l’excitation de l’avenir qui m’attendait ici-même. J’étais tellement chanceux, et j’en étais conscient.

 

 

J’étais aussi, et depuis toujours, un être terriblement timide. C’est donc sans surprise que les jours d’entraînement au sabre, lorsqu’on travaillait en groupes, je n’osais pas me lancer. J’avais peur de perdre un œil, et aussi d’en faire sauter un à quelqu’un. Le risque était moindre je l’admets, car les lames d’entraînement étaient très épaisses et réglées à une puissance minimale, mais on ne sait jamais. Ce n’est qu’au bout de deux mois que je réussis enfin à tenir un sabre comme il faut. C’était un bon début. Maître Nolar’Hekk aurait été surpris… s’il n’apprenait rien de mes deux côtes brisées et du padawan assommé par ma faute. Mais que je progresse ou que je subisse la raclée de mes collègues, personne ne venait me féliciter, ou m'aider à me relever. Je n'en avais pas besoin, mais cela n'aurait pas fait de mal. Une personne timide comme moi aura toujours du mal à se faire des amis. Mais cela ne me préoccupait pas plus que ça. J'étais là surtout pour apprendre... et "renaître".

 

Les cours de méditation étaient les plus aisés. Mon maître m'avait bien appris les bases, et j'avais compris le principe rapidement. Tout ce qu'il fallait faire, c'était de s'asseoir tranquillement, se vider la tête, et ne penser plus qu'à la Force... la Force vivante, la Force qui nous entoure et qui vit en harmonie avec nous tous, tous les jours. Il faut la ressentir, au plus profond de soi, comme au plus lointain des confins de la galaxie. Il faut simplement faire corps avec elle. Et, sans s'en rendre compte par fois, on ouvre les yeux et on se retrouve en lévitation au-dessus du sol... et la première fois en général, on retombe, de panique ou de surprise.

 

Les jours passaient, les semaines défilaient, et plus j’en apprenais sur l’environnement, sur la Force et sur moi-même, plus je me sentais à ma place. J’étais en paix avec mon esprit, en harmonie avec la Force, et en symbiose avec Tython. Maître Nolar’Hekk aurait été fier de moi. Tous les mauvais moments de mon enfance, toutes les heures de travail pénibles à la plonge, tous mes soucis étaient en train de sécher sous le soleil pour se transformer en véritable passé. Un passé déjà loin de moi, restant quelque part dans ma tête pour me rappeler qui je suis, mais pas assez proche pour me dicter qui devenir.

 

J'oubliais le moins important, je retenais l’essentiel, et la vie était simple. Après un mois sur cette planète paradisiaque, je ne pensais plus uniquement qu'à moi - à ce que je voulais, à la belle blonde, à la maîtrise parfaite du soresu et à l'approbation de mon maître – mais à tout l'univers, à sa volonté, à sa sécurité, à sa paix. J'étais en voie de devenir un Jedi.

 

 

 

Voilà à présent deux mois que j'étais devenu un enfant de Tython. Je connaissais chaque recoin du temple, chaque statue et leur histoire, j'avais exploré une dizaine de grottes et dévoré une centaine d'ouvrages des archives. Je m'étais même fait des amis... disons plutôt des connaissances. Ma maîtrise du bâton d'entraînement n'était pas encore au point, mais je ne baissais pas les bras. Je savais cuisiner pour mes collègues, je connaissais les herbes médicinales de la nature et étais impatient de savoir les appliquer pour soigner des personnes. Les maîtres avaient déjà choisi quatre élèves de la classe pour devenir leur padawan. J’espérais être le prochain. On dit qu'un Jedi ne dois pas vouloir plus, mais le code dit qu'il n'y a pas d'ignorance, il y a la connaissance. Et j'étais avide de connaissance.

 

Un soir, je rentrais d'une mission avec des roches de plusieurs rivières du coin. Je filais aux archives pour les analyser, et pour compléter mes devoirs. Au bout d'une demi-heure, j'avais tout trouvé. Facile, l'érosion des pierres par les cascades était évidente. Le droïde qui remplaçait le bibliothécaire pour la soirée m'aida à ranger les ouvrages, enregistra dans sa mémoire ceux que j'empruntais, et alla aider un autre étudiant, un tout petit chiss, mignon et un poil joufflu. Alors que je sortais de la grande salle, j’aperçus le Grand Maître Shan discuter avec deux autres maîtres, devant la porte du Conseil. C'était seulement la deuxième fois que je la voyais. Il faut dire qu'un Grand Maître ça doit être occupé constamment. On disait qu'elle avait battue Dark Malgus en personne il y a longtemps. J'aurais aimé voir ça. Tout le monde aurait aimé assister à ça.

 

Il se faisait tard, il était temps d'y aller. Je tournai vers la droite et me dirigeai vers le dortoir... quand mon corps frôla une silhouette qui marchait en direction opposée. Quelques secondes plus tard, je ne pus m'empêcher de détourner le regard. Mes sens ne m'avaient pas trompé. C'était bien elle.

La belle blonde aux yeux bleus.

J’hésitai pour une bonne minute, puis quelque chose au fond de moi me poussa vers elle... quelque chose que je n'avais que rarement ressenti au long de ma vie, mais quelque chose dont j'avais extrêmement besoin ici, sur Tython. Mon courage.

 

Je posai mes livres et mes roches dans un coin, cachés derrière une colonne, et me lançai à sa poursuite, tel un espion, sur la pointe des pieds.

Mon cœur s'emballa et ma tête rougit. Oui, j'étais vraiment timide, et c'était sûrement la première fois que j'allais parler à une fille, depuis ma mère.

Je la suivis vers son dortoir, toujours avec une bonne distance entre nous pour ne pas me faire repérer. Elle passa devant un groupe de filles qui riaient entre elles, mais ne leur dit aucun "Bonsoir", et n'en reçu aucun en retour non plus. Elle passait à côté tel un fantôme, sans se faire remarquer, sans attirer l'attention... exactement comme moi. Nous étions les fantômes de Tython, pensais-je. Des êtres sans amis, mais sans besoin d'amis, ici juste pour écouter, mais pas pour être entendu.

 

La belle jeune femme s'arrêta au bout d'un ultime couloir et entra dans sa chambre. Une fois la porte fermée, je me faufilai contre le mur à côté de la porte et m'arrêtai une seconde.

Il fallait que je réfléchisse. Tout d'abord, que dire ? J'allais me présenter, et dire quoi ? Que je l'avais remarquée le premier jour, et que j'avais très envie de la connaître... ? Mais le code ! Il n'y a pas d'émotion, il y a la paix... Je n'ai pas le droit de tomber am... l'étais-je seulement ? Pas nécessairement. Je voulais juste faire connaissance, voilà tout. Et le fait qu'elle soit jolie ne changeait rien à ça. C'était ma logique, et elle était indiscutable. Il n'y a pas d'ignorance, il y a la connaissance, et c'est tout ce que je voulais.

Mon cœur commence à paniquer lorsque mon cerveau donne l'ordre d'agir. Mais pour une fois, je ne vais pas céder à ma timidité. Pour un fois je vais avancer, aller de l'avant, et me prouver à moi-même que je suis digne de devenir un Jedi.

 

Dans ce moment de panique mêlée à la folie, j'ouvre la porte de la chambre et oublie totalement de frapper.

J'entre en douce et cherche des yeux la belle padawan, mais la pièce est assez sombre. Je plisse mes yeux un instant pour distinguer le fond de la pièce... et c'est alors que mon cœur me lâche.

 

Là, au fond de la salle obscure, la silhouette d'un monstre hideux me fixe avec de grands yeux rouges. Une créature recourbée comme un animal, se levant lentement comme un être humain, dévoilant la tunique de padawan sur-mesure qu'elle porte.

 

« Tu ne devrais pas être là. », murmure la voix rauque dans la pénombre.

 

La porte derrière moi se ferme en fracas et je sens mon cœur exploser de panique dans ma poitrine. Mes jambes claquent, mes orteils se tordent, je le vois. A peine mes pauvres yeux remontés que la créature se tient juste devant moi, avec un outil pointu et métallique pointé vers mon estomac. C'est à cet instant que je comprends ce qui m'arrive... Lorsque le bruit aigu et résonnant fait sonner mes oreilles, lorsque l'odeur de la chair cramée remonte dans mes narines, lorsque je vois la lame de lumière pourpre me dévorer le gosier, et que le monstre, aux yeux rouges luisants, et à la peau écarlate et rugueuse, me murmure à l'oreille :

 

« Aucun témoin... »

 

 

 

 

 

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RAPPORT-DES-S.S.I.--------MISSION-CORE--------SUJET-:-PROJET-191625-----------------------------------------

PERSONNEL-AUTORISÉ-:-DARK-VITIATE----DARK-JADUS-------------DATE-:-A--------PRÉCISER--------------SYSTÈME-:-TYTHON--------OBJET-:-INCIDENT-N°01-------------------------------------------------------------------------

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DEMANDE-[TYTHON]-:-CADAVRE-PADAWAN-A-RÉCUPÉRER-DANS-RIVIÈRE-1327-------NETTOYAGE-------DISCRET--------------

RÉPONSE-[DROMUND-KAAS]-:-CADAVRE-DISPOSÉ-RETROUVÉ-AVEC-LIVRES-GÉOLOGIE-SUR-LIEU-PRÉCISÉ-/-ABDOMEN-TROUÉ-/-MISSION-+-DISCRÉTION-=-SUCCÈS-----------------------------------------------------------------------------

------------------------------------------------FIN-DE-RAPPORT----------------------------------------------

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Ryfs padawan tython.jpg
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